Introduction au cursus en ligne sur l’eau et le climat

Le petit manuel de l'eau bien communAujourd’hui, il est démontré que le changement climatique s’opère de plus en plus rapidement au sein de nos milieux de vie. Dans ce cursus en ligne, nous partons du postulat que les activités humaines, de par leurs usages de la ressource en eau, impactent directement les cycles de l’eau, dits cycles hydrologiques. La modification de ces cycles a des répercussions sur le climat.

Ce cadre conceptuel, développé en 2007 par un groupe de chercheurs slovaques dans l’étude « Water for the recovery of the climate – A new water paradigm » est relativement novateur puisque la ressource en eau est placée au centre du débat sur le changement climatique. Dès lors, ce dernier n’est plus seulement pensé en termes de CO2 : l’eau est à la fois un facteur de changement et une ressource impactée par ce même changement climatique.

Dans ce cursus en ligne, nous présenterons ce qu’est le climat et le changement climatique mais aussi la ressource en eau, son accès et ses usages par l’Homme. Cette présentation permettra de montrer que l’être humain, par ses pratiques et son mode de vie, influence les cycles hydrologiques et en conséquence, le climat. A l’inverse, les pratiques et les usages sont aussi affectés par l’effet du changement climatique.

WATERDAYComprendre les nombreux phénomènes qui lient la ressource en eau et le climat, nous amène à une vision nouvelle où l’eau est un bien vital pour l’Homme, les êtres vivants, et l’équilibre des écosystèmes. C’est donc un bien commun à préserver et à partager entre tous les êtres vivants. L’eau est au coeur des enjeux de demain !

Ce cursus en ligne sur l’eau et le climat doit permettre à chacun de comprendre ces phénomènes, de se saisir des enjeux et d’être acteur de la préservation de l’eau.

Pour télécharger la version complète de ce cursus en ligne sous le format du “Petit Manuel et du Climat”, cliquez >>>ICI

Comprendre le Changement climatique et ses enjeux globaux

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CCI07102015_0005La question du climat présente pour nos sociétés de nombreux enjeux que nous ne pouvons nier. Dès aujourd’hui, les effets du dérèglement climatique commencent à se faire sentir et ses conséquences sont de plus en plus visibles dans notre quotidien. L’augmentation des inondations, des périodes de sécheresse, du niveau de la mer, la fonte précoce des glaciers (…) sont des phénomènes qui se renforcent sans que l’Homme sache les prévenir. L’accroissement aléatoire de ces phénomènes est reconnu comme la conséquence d’un processus complexe que nous appelons changement climatique.

1. Qu’est ce que le climat ?

Le climat est un phénomène difficile à appréhender tant il agit à de multiples échelles sur les écosystèmes, via les processus physiques, chimiques et biologiques interdépendants qu’il gouverne. Il existe sur la Terre différents types de climats régionaux déterminés par plusieurs facteurs qui sont la latitude, l’influence de la circulation atmosphérique et des massifs montagneux, l’inégale répartition des terres et des mers (cf. carte des domaines bioclimatiques).

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1. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/climat__les_climats_du_monde/185927

Ainsi, à chaque climat, nous retrouvons un sol et une végétation qui lui sont propres. Par exemple, le climat méditerranéen est un domaine bioclimatique qui est caractérisé par des températures élevées, du fait de la proximité avec l’Equateur (les étés sont chauds et les hivers sont doux) mais aussi par des précipitations irrégulières avec un pic en hiver et une végétation naturelle de type maquis ou garrigue.

2. Le changement climatique

Le climat contient une part de variabilité naturelle et une autre attribuée aux activités de l’Homme, dite « anthropique ». En effet, depuis des millénaires, notre planète a connu différentes phases climatiques historiques, appelées ères glacières (ex : entre -200 000 et -150 000 ans av. J.C.). La paléoclimatologie, Science qui étudie le climat du passé, a mis en évidence que notre ère, l’ère anthropocène, connait une transformation beaucoup plus rapide de son environnement que par le passé (notamment depuis 1800). Cette transformation se traduit concrètement par un réchauffement global de notre planète.

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(2) Source : © Olivier Berruyer, http://www.les-crises.fr

 

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(3) Source : © Olivier Berruyer, http://www.les-crises.fr

Les rapports établis par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat) (4) démontrent que le changement climatique que nous observons aujourd’hui est principalement provoqué par l’activité humaine. En particulier, ses pratiques émettrices de gaz à effet de serre font évoluer rapidement les températures moyennes. En seulement deux siècles, l’Homme est devenu le plus grand producteur de Gaz à Effet de Serre (GES). Ces observations font l’objet d’un consensus scientifique et politique fort puisque la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), établie et signée par l’ensemble des pays, définit le changement climatique comme « des changements du climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables (5) ».

3. L’Homme face aux effets du changement climatique

Les différents rapports du GIEC prouvent que l’homme et son environnement sont déjà et vont être très fortement impactés si des mesures ne sont pas prises à temps. Les gaz à effet de serre (6) sont des gaz qui s’accumulent dans l’atmosphère pendant des décennies voire des siècles. Dès lors, ils continuent d’affecter le climat bien après leur émission. Nous n’avons donc pas d’autres possibilités que de réduire dès maintenant et drastiquement nos émissions pour revenir au niveau de capacité d’absorption de l’atmosphère.

Aujourd’hui, on estime que l’atmosphère peut absorber seulement 20 à 50 % des émissions actuelles (7). Il faudrait réduire nos émissions de 50 à 80 %.

Ce sont donc des mesures fortes qu’il faut prendre dès maintenant. Les conséquences d’un réchauffement climatique même minime de 1°C sont déjà importantes. Le GIEC a procédé à différentes projections, des plus optimistes aux plus pessimistes, pour évaluer les effets sur l’Homme et son environnement.

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Ces effets sont divers et cumulatifs : fonte des glaciers et montée des eaux des océans (ce qui entraîne des pertes de terre et des déplacements de population), acidification des océans, perte de biodiversité (disparition de forêts, de marais, de barrières de corail), pertes de récoltes agricoles dues aux sécheresses (donc hausse des famines) ou aux aléas climatiques (inondations, ouragans), progression des maladies tropicales, augmentation des coûts de climatisation.

Si certains effets positifs à court terme sont constatables, comme la diminution des coûts de chauffage ou la hausse des rendements agricoles dans certaines zones du monde, ils disparaissent vite au profit de scénarios catastrophes. En effet, au-delà d’un certain seuil d’augmentation de la température, nous sommes exposés à des changements brutaux du climat dont les conséquences, bien moins prévisibles, seront probablement très destructrices : la fonte des glaces du Groënland ou de l’Antarctique entrainerait une montée des eaux de 12 mètres et avalerait ainsi plusieurs villes et mégalopoles côtières ; un changement soudain de direction du Gulf Stream dans l’Atlantique Nord rendrait le climat européen similaire à celui de l’Alaska !

Ces différents risques doivent être dès maintenant pris en compte via des mesures pour réduire notre impact sur le climat. S’il existe un consensus sur le changement climatique lié aux activités de l’Homme, nous sommes loin d’un accord international pour enrayer cet impact. Souvent, la politique environnementale est présentée comme une contrainte pour la croissance économique morose qu’il faudrait au contraire dynamiser. Ainsi, le Canada en 2011 s’est retiré du protocole de Kyoto car cela coûterait au pays des milliards d’euros et des pertes d’emplois in fine (8). Même chose du côté de l’Inde qui critique cet accord car un tel engagement climatique retarderait le développement du pays et empêcherait des millions de personnes d’accéder à un niveau de vie décent.

Cependant, ce raisonnement est faux et dangereux. Il s’agit en effet d’enjeux sur le long terme, qui concernent tous les pays et plusieurs générations ainsi que le devenir des espèces végétales et animales. Dès lors, les décisions politiques doivent être prises d’une manière intemporelle. Le rapport Stern réalisé en 2006 pour le gouvernement britannique, du nom de l’économiste Nick Stern, a permis de populariser cette vision sur le très long terme.

En réalisant une comparaison des coûts et des bénéfices des politiques environnementales sur un horizon très long, le rapport conclut : « une évidence émerge de tous les calculs opérés, qui nous conduit à cette conclusion claire et nette : les bénéfices d’une action forte et prise le plus tôt possible outrepassent de beaucoup tous les coûts à venir qu’engendrerait l’inaction ».

Si rien n’est fait, l’étude estime les pertes à hauteur de 5 % du Produit Intérieur Brut mondial (PIB), chaque année et indéfiniment. Ce chiffre peut même s’élever à 20 % du PIB mondial si on retient un scénario de risques et d’impacts d’une plus grande ampleur (9). En comparaison, pour Stern, les coûts d’une action immédiate (en 2006, date du rapport) pour éviter les pires conséquences liées au changement climatique ne s’élèveraient qu’à 1 % du PIB Mondial.

Un coût minime, donc, pour enrayer le pire et qui doit d’ailleurs ne pas être vu comme un coût mais comme un investissement. En outre, plus on retarde l’action, plus elle sera coûteuse et moins efficace ! Limiter nos émissions de gaz à effet de serre nécessite des efforts financiers, certes, mais qui représentent en réalité des mannes financières pour moderniser notre économie, développer de nouveaux secteurs et créer des emplois.

Les politiques environnementales doivent être vues comme un levier pour permettre le rebond de l’économie. Si les instruments économiques permettent de modéliser les risques, les coûts et les gains liés aux changements climatiques et peuvent être des outils d’aide à la décision utiles, nous ne pouvons pas réduire les enjeux d’un tel phénomène sur la simple base d’un calcul économique. Il s’agit aussi pour l’Homme de réinterroger en profondeur sa conception de la solidarité entre les pays et vis-à-vis des générations futures ainsi que son rapport à la nature.

Il lui faut évoluer et s’adapter pour faire face à ces changements rapides. C’est ce qu’on appelle le phénomène de résilience. Il s’agit de la capacité pour un corps, un organisme de résister et de retrouver ses capacités initiales après une altération. Les enjeux globaux du changement climatique résident dans ce phénomène de résilience, c’est-à-dire la capacité pour l’Homme et son environnement à s’adapter et à évoluer.

La résilience de l’Homme se joue sur sa capacité de mettre en place des nouvelles technologies qui répondent à ses besoins tout en respectant l’environnement. Les écotechnologies, par exemple, sont une manière de s’adapter, on pourrait parler de résilience technologique. Mais il s’agit aussi d’être en mesure de changer le système socioéconomique dans lequel nous évoluons pour diminuer notre impact et mieux gérer les biens communs comme
l’atmosphère, l’eau et les ressources naturelles.

La résilience réinterroge la relation entre l’Homme et son environnement. L’Homme n’est pas le seul à être impacté par les changements climatiques. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une des plus anciennes organisations mondiales de protection de l’environnement, établit la liste rouge des espèces végétales et animales menacées depuis 50 ans.

trhDans sa dernière édition, sur les 77 340 espèces étudiées, 22 784 sont classées comme menacées. Or seulement, 3% des espèces connues sont étudiées par l’UICN. Parmi ces espèces, 41% des amphibiens, 13% des oiseaux et 25% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 31% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères (10).

On estime que 338 espèces de vertébrés ont définitivement disparu et que 280 autres n’existent plus qu’en captivité. Le taux de disparition des espèces aurait été multiplié par 100 depuis 1900. On estime donc que la Terre, qui a connu cinq extinctions massives, entre aujourd’hui dans le début d’une sixième extinction : ce sera la première causée par l’Homme et non pas par des phénomènes naturels (11).

D’où l’importance de repenser notre lien avec la nature. La faune et la flore ne doivent plus être vues comme des ressources au service de l’Homme mais bien comme des êtres avec qui nous sommes interdépendants et complémentaires. Ce changement des consciences peut notamment passer par le droit pénal international pour reconnaitre une justice pour la Terre et pour les écosystèmes. C’est par exemple, l’ambition du mouvement « End Ecocide » qui défend la création d’un cadre légal et pénal pour prévenir et interdire l’endommagement massif ou la destruction des écosystèmes (12).

Pour le moment, il n’existe aucune instance pénale, que ce soit nationale, européenne ou internationale, qui peut, en vertu du droit, poursuivre des organisations comme des multinationales pour avoir détruit un écosystème et sa biodiversité. La reconnaissance de l’écocide (contraction de «éco» comme maison en grec ancien et «cide» du verbe tuer) se situerait au même niveau que le crime contre l’humanité, le crime de génocide, le crime de guerre.

4. Les enjeux de l’eau dans le contexte du changement climatique

Dans un rapport de juin 2008-2013, le GIEC reconnait que depuis les années 60, le changement climatique affecte très fortement la ressource en eau. Nos expériences et sensibilisations personnelles nous font prendre conscience du lien étroit entre la ressource en eau et le climat. Le changement climatique se traduit et se traduira de manière directe sur l’eau autour de plusieurs enjeux:

–  L’accès à l’eau et à l’assainissement : Aujourd’hui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS (14)), un tiers de la population n’a pas accès à l’eau et l’assainissement. Les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques accentuent ces inégalités et la situation tend à empirer. Mais l’accès à l’eau et à l’assainissement est également un enjeu pour nos populations européennes : certaines de nos communes, par exemple, commencent à connaitre des difficultés pour alimenter en eau potable leur population (commune de Dignes-les-Bains, France).

L’agriculture : Selon Alexander Mueller, Sous-Directeur général de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, pour les ressources naturelles, environ 70 % du prélèvement mondiale d’eau douce est liée à l’agriculture (15). C’est donc l’un des domaines les plus cruciaux vis-à-vis de la question de l’eau et aussi du changement climatique. Il est évident que les conflits seront de plus en plus forts vis-à-vis des enjeux agricoles. D’autant plus que la modification des pratiques agricoles pose la question de notre sécurité alimentaire. Or, d’ici 2050, il faudra nourrir presque 9 milliards de personnes. Si l’agriculture est le premier consommateur, elle est aussi le premier pollueur. L’enjeu n’est donc pas seulement quantitatif !

L’énergie: Nous consommons de plus en plus d’eau pour produire de l’énergie. Or, elle est au coeur de toutes nos activités ! Dès lors, il faut remettre en question nos pratiques et notre mode de production d’énergie.

Les éco systèmes (16) : Les milieux de vie sont transformés par la redistribution dans le temps et l’espace de l’eau du fait de nos activités. Notre rapport à l’écosystème doit changer et évoluer en conséquence. Les questions de restauration et de protection de la nature deviennent des enjeux majeurs car les écosystèmes jouent un rôle important dans l’évolution du climat.

Nous avons là quatre domaines avec des défis majeurs pour la ressource en eau vis-à-vis du changement climatique. Les catastrophes naturelles liées à l’eau augmentent, ce qui nous conduit à repenser notre manière de vivre.

Tous ces impacts et enjeux risquent de conduire à des conflits d’usage liés à l’eau qui s’intensifieront si le climat n’est pas rééquilibré dans un futur proche. La gestion de l’eau par l’Homme est donc un facteur qui influe beaucoup le climat. On constate déjà cette influence dans des cas locaux comme au niveau des retenues de grands barrages qui sont capables de modifier le climat localement (ex. Barrage d’Assouan en Egypte). Pourtant, ce facteur n’a pour le moment jamais été pris en compte dans les accords internationaux.

Comme le souligne la Coalition Eau (17) « on ne peut pas véritablement parler aujourd’hui d’une place du secteur de l’eau dans les négociations climatiques. En effet, les négociateurs internationaux ne veulent pas s’engager sur des négociations sectorielles, au vu des difficultés qu’ils rencontrent déjà sur les deux enjeux majeurs identifiés des négociations, à savoir l’obtention d’un accord juridiquement contraignant sur la baisse des émissions de GES et la question des financements » (18) .

C’est pourquoi, il est nécessaire que la ressource en eau soit prise en compte dans les différents accords diplomatiques liés au climat tel que celui initié lors de la COP 21. Un accord sur la question de l’eau peut paraître quelque chose d’anecdotique et sectoriel alors qu’il s’agit en fait d’un accord pratique sur le cœur du processus !


Notes de bas de page:

1. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/climat__les_climats_du_monde/185927
2. http://www.les-crises.fr/climat-8-analyse-rechauffement/
3. http://www.les-crises.fr/climat-8-analyse-rechauffement/
4. Cf. le site du GIEC : https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
5. Nations Unis (1992), Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)
6. « Les Gaz à Effet de Serre (GES) sont des gaz qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous la forme de radiations au sein de l’atmosphère terrestre, phénomène appelé effet de serre. » : http://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/gaz_a_effet_de_serre_ges.php4
7. Banque Mondiale (2010), Rapport sur le développement mondial, cité par Global Development And Environment Institute (GDAE), TUFTS University (2014), L’économie du changement climatique
8. Le monde, Le Canada quitte le protocole de Kyoto, le 13/12/2011 : http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/13/le-canada-quitte-le-protocole-de-kyoto_1617695_3244.html
9. Banque Mondiale (2010), Rapport sur le développement mondial, cité par Global Development And Environment Institute (GDAE), TUFTS University (2014), L’économie du changement climatique
10. Cf. le site français de l’organisation : http://www.uicn.fr/La-Liste-Rouge-des-especes.html
11. Courrier International, La sixième extinction massive d’espèces est en marche, le 21/06/15 http://www.courrierinternational.com/article/science-la-sixieme-extinction-massive-despeces-est-en-marche
12. Cf. le site internet de l’organisation : https://www.endecocide.org/fr/
13. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2008), Le changement Climatique et l’Eau, Document technique VI du GIEC : https://www.ipcc.ch/pdf/technical-papers/ccw/climate-change-water-fr.pdf
14. Cf. L’Organisation Mondiale de la Santé : http://www.who.int/fr/
15. Cf Entretien l’eau et la sécurité alimentaire : http://www.fao.org/news/story/fr/item/87008/icode/
16. Cf Ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants (ou biocénose) et son environnement biologique, géologique, édaphique, hydrologique, climatique, etc. (le biotope).
17. Cf La Coalition Eau est un groupement de 30 ONG française engagé pour promouvoir un accès durable à l’eau potable et un assainissement pour tous, tout en préservant les ressources en eau.
18. Coalition Eau (2014), Eau et Changement climatique – note de recherche

Pour en savoir plus:

La place de l’eau dans notre environnement

cycle de l'eau

A. LES GRANDS PRINCIPES DE L’EAU

1.1. Les états de l’eau

Rappelons tout d’abord que l’eau est une molécule composée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène (H2O). L’eau a la plus haute capacité d’absorption d’énergie thermique de tous les matériaux connus. Elle absorbe et libère cette énergie en se transformant et en passant par plusieurs états :

  • l’état solide (glaciers…),
  • liquide (lacs, rivières, océans…),
  • gazeux (vapeur d’eau). Les températures et la pression atmosphérique permettent ce changement d’un état à l’autre.

1.2. Répartition de la ressource sur Terre

Repartition des eaux dans le monde
Source : © Laboratoire d’Ecohydrologie ECHO (20)

La Terre contient environ 1 386 millions de km3 d’eau. Elle est recouverte d’eau à environ 70 %. L’eau se répartit dans 4 grands réservoirs :

–   Les océans contiennent de l’eau salée et stockent 97% de notre eau.
Les eaux continentales sont contenues dans les nappes phréatiques, les lacs, les rivières, les glaciers (eau douce) et représentent environ 2.99% de l’eau stockée sur terre (dont 2% stockée dans les glaciers).
–   L’atmosphère stocke environ 0.001% de notre eau.
–   La biosphère (végétaux, animaux…) stocke 0.0004 % de notre eau

1.3. L’accès à la ressource

L’eau est une ressource abondante mais qui est répartie de manière inégale sur Terre. Avec le changement climatique, la répartition de l’eau dans les grands réservoirs tend à évoluer. Ces évolutions impactent principalement l’eau douce qui est inégalement répartie géographiquement et socialement. La plus grande partie d’eau douce est concentrée dans l’Antarctique et le Groënland. Cette dernière est difficilement exploitable au vue des connaissances scientifiques et techniques actuelles (21).

Carte ressource en eau douce dans le mondeCette carte met en évidence que l’accès à l’eau douce est très différent selon les territoires. Elle se base sur l’indice de stress hydrique développé par Falkenmark and col. Cet indicateur se calcule sur une estimation de la quantité des ressources en eau renouvelable (de surface et souterraines) moyenne par habitant et par an, comparée au besoin en eau individuel calculé en prenant comme référence un pays développé, sous un climat semi-aride. Le seuil d’alerte retenu par l’Organisation des Nations Unies (ONU) correspond à moins de 1700 mètres cubes d’eau douce disponible par habitant et par an. Ici, nous constatons que certains pays connaissent déjà des situations de pénurie ou de stress hydrique alors que d’autres sont en situation d’abondance.

Cet indicateur montre autant l’inégale répartition naturelle de la ressource que la disponibilité sociologique du fait de nos usages, de la croissance démographique et aussi des capacités techniques et financières d’exploitation de la ressource dont on dispose, etc. L’accès à l’eau est donc aussi un enjeu économique. En réalité, les personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable souffrent moins d’un manque d’eau que d’un manque d’accès à l’eau via des services d’eau potable performants.

Les eaux souterraines (22) et de surface ne représentent que 1% des stocks exploitables. Les eaux superficielles (23) sont les plus facilement exploitables car elles sont rapidement renouvelées tandis que les eaux souterraines sont difficiles d’accès et nécessitent des techniques d’extraction très coûteuses et polluantes. Pour autant, aujourd’hui, on puise notre eau essentiellement dans des aquifères (24). En effet, les eaux de surface sont le plus souvent de moins bonne qualité et cela nécessite de mettre en oeuvre des techniques de dépollution coûteuses. Malheureusement, nous surexploitons le plus souvent ces nappes alors qu’elles se renouvellent très lentement (cf. partie B).

Les experts estiment que d’ici 30 à 40 ans, de grandes nappes vont s’épuiser aux Etats-Unis, en Chine, en Arabie Saoudite, en Inde et en Iran si rien n’est fait 25. L’accès à l’eau de tous ne se pose pas qu’en termes de quantité mais aussi de qualité ; c’est pourquoi l’indicateur de stress hydrique n’est pas suffisant pour juger de la situation d’un pays. En effet, il ne suffit pas d’avoir de l’eau en réserve mais il faut aussi avoir de l’eau de qualité.

Enfin, l’accès à l’eau potable pose aussi la question des rapports entre pays pour le partage et la préservation de la ressource. Comme le dit Antoine Frérot dans son livre : « En réalité, l’eau est une grande mutuelle, tous les habitants d’un bassin hydrologique sont interdépendants, pour le meilleur usage de l’eau ou pour le pire (26) ».

L’eau est une ressource qui n’appartient à personne et qui traverse les frontières ; son utilisation dans un pays affecte sa disponibilité et sa qualité dans un autre. La raréfaction future de l’eau est une source d’inquiétude importante au niveau international quant à l’apparition de conflits autour de cette ressource. D’autant plus que 270 bassins fluviaux sont transfrontaliers et que pas moins de 40 % de la population mondiale vivent dans ces bassins. C’est pourquoi, on entend souvent des termes comme « la guerre de l’eau » ou « l’or bleu ».

Il existe déjà des conflits liés à l’eau à l’intérieur de pays entre populations locales ou entre plusieurs pays comme au Nord et au Sud de l’Afrique, au Proche-Orient, en Amérique centrale, au Canada et dans l’Ouest des États-Unis. Par exemple, le Nil, le plus long fleuve du monde, chemine parmi dix pays. L’Égypte, qui est entièrement tributaire du Nil pour ses ressources en eau, doit donc négocier avec dix autres États du bassin du Nil comme le Soudan ou l’Ethiopie. En réalité, les conflits liés à l’eau existent de longue date dans l’histoire. S’il est nécessaire de trouver un accord commun concernant cette ressource, l’eau est parfois un formidable vecteur d’entente et de coopération. Par exemple, en dépit des successives guerres du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan, la coopération concernant l’Indus n’a jamais cessé (27).

Si des accords sur le partage de la ressource existent, le défi de demain avec le changement climatique est de trouver une entente concernant sa préservation. Il existe peu d’accords pour arriver ensemble à réduire les pollutions ou instaurer une bonne gestion.

1.4 Disponibilité de la ressource

imagesPour comprendre la répartition et l’accès à l’eau sur nos continents, nous utilisons l’unité de base du bassin versant. On le définit comme « la surface topographique où les précipitations s’écoulent vers un exutoire commun. (…) On distingue généralement les bassins endoréiques, sans écoulement vers la mer, qui couvrent 11% des terres émergées, des bassins exoréiques. La forme du bassin versant, sa position par rapport aux flux de précipitation, sa couverture végétale et sa géologie, qui détermine la présence de nappes phréatiques, sont autant d’éléments déterminants pour connaitre les ressources en eau disponibles » (28).

figure9
Graphique représentant le régime hydrologique de certains cours d’eau dans le monde  (29)

Chaque bassin versant suit un régime hydrologique particulier qui est déterminé par les précipitations et la composition morphologique de celui-ci. La caractérisation du régime hydrologique se base sur des observations sur du long terme et en plusieurs points du bassin versant. Le régime hydrologique est généralement représenté par les débits moyens mensuels sur une année. Les régimes hydrologiques sont différents selon les bassins versants.

Ils sont la résultante de phénomènes saisonniers caractérisés par les domaines bioclimatiques. Par exemple, nous constatons que la disponibilité en eau de la Seine est plus importante pendant les saisons d’automne et d’hiver. Le régime hydrologique du bassin parisien est lié au climat dit océanique dégradé.

Aujourd’hui, on constate que les régimes hydrologiques des rivières sont de plus en plus variables. Cette variabilité est liée au déséquilibre des phénomènes saisonniers attribués au changement climatique anthropique (ex : décalage des pluies, fonte prématurée des glaciers…).

B. REGARD SUR LES CYCLES DE L’EAU

Cette partie s’appuie principalement sur l’ouvrage Water for the Recovery of the Climate – A New Water Paradigm dirigé par l’hydrologue M. Kravcik. Cette analyse montre que les activités humaines ont une forte influence sur les cycles de l’eau. C’est le nouveau paradigme de l’eau. Cette approche est novatrice dans le sens où, la gestion par l’Homme de la ressource en eau est présentée comme l’une des causes du changement climatique.

Le nouveau paradigme ouvre des nouvelles perspectives quant aux moyens pour agir dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Les chiffres et théories que nous avançons dans cette seconde partie sont pour la plupart issus de cette étude.

1. Le grand cycle de l’eau

L’eau est une ressource qui suit à l’échelle du globe un mouvement perpétuel que nous nommons le grand cycle de l’eau. Pour comprendre les étapes de ce cycle, il est nécessaire d’analyser les mouvements de l’eau et le temps de stockage (ou temps de résidence) des eaux dans les grands réservoirs.

Les mouvements de l’eau:

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  • En utilisant l’énergie solaire qui touche le sol, une partie de la mer ou de l’eau présente sur les continents s’évapore et forme des nuages : c’est le phénomène de l’évaporation de l’eau. L’évaporation se mesure par la différence entre les précipitations et l’écoulement de l’eau sur un même espace. Environ 550 000 km3 d’eau s’évaporent chaque année soit l’équivalent de l’eau contenue dans la Mer Noire. 86 % de l’eau s’évapore des océans. La vapeur d’eau est le gaz à effet de serre le plus répandu dans l’atmosphère. Son taux oscille entre 1 et 4 %.
  • La vapeur d’eau se condense en altitude et forme des nuages. Ces nuages, sous l’action du vent se regroupent. Ensuite, l’eau sous forme de gaz libère son énergie thermique et retombe sous forme de précipitations. Ce passage de l’état gazeux à l’état liquide se nomme la condensation. Les nuages peuvent se déverser sur le sol sous forme de pluie ou sous forme de grêle ou de neige. 73 % de l’eau évaporée tombe sur les continents.

D’immenses masses d’eau sont transférées d’un réservoir à un autre à l’échelle de la planète. Ce transfert montre que l’eau est une ressource animée par l’énergie thermique et les vents. L’eau suit un mouvement perpétuel naturel. Sous ces différents états et répartie dans les grands réservoirs, il y a autant d’eau sur terre aujourd’hui que depuis son apparition. L’eau est donc une ressource inépuisable. Ce mouvement perpétuel met également en évidence le caractère renouvelable de l’eau.

Le temps de résidence : l’eau une ressource difficilement renouvelable

La molécule d’eau met plus ou moins de temps à réintégrer le grand cycle de l’eau, en fonction du chemin qu’elle emprunte une fois précipitée.

On estime que 60 % de l’eau précipitée retourne rapidement dans l’atmosphère une fois sur terre. Ce phénomène est lié à l’évaporation au niveau des fleuves et des lacs, et à la transpiration des végétaux et des animaux. Nous parlons dans ce dernier cas d’évapotranspiration.

Une autre partie de cette eau ruisselle jusqu’à atteindre les rivières, les nappes phréatiques, les fleuves et les océans. C’est le ruissellement. Environ 40% de l’eau précipitée rejoint les rivières et seulement une très faible partie de cette eau s’infiltre et remplit les nappes phréatiques. C’est l’infiltration. L’eau contenue dans les nappes phréatiques finit très lentement son chemin vers les mers et les océans.

tableauL’eau reste plus ou moins longtemps retenue dans un réservoir. Elle ne circule donc pas continuellement et automatiquement d’un réservoir à un autre. Par exemple, son temps de résidence peut varier de quelques milliers d’années (océans, glaciers, etc.) à quelques heures (cellules vivantes).

La rapidité du renouvellement de l’eau dépend du type de réservoir qui retient la ressource. Le caractère renouvelable de l’eau n’est donc pas instantané. La molécule d’eau met seulement 16 jours pour se renouveler dans une rivière tandis que celle-ci peut mettre jusqu’à 1 400 ans pour se renouveler dans les nappes phréatiques. L’eau provenant des nappes est de plus en plus puisée par l’Homme pour ses usages.

Au vue de son temps de renouvellement, nous comprenons que l’eau douce contenue dans ce type de réserve est un enjeu majeur pour nos populations.

2. Les petits cycles locaux de l’eau

Petits cycles locaux de l'eauLe petit cycle local de l’eau s’opère comme le grand cycle de l’eau à l’échelle du bassin versant. La quantité d’eau évaporée sur un bassin retourne sur ce même bassin sous forme de précipitations. Les processus d’évaporation, de précipitation et d’infiltration liés à ce cycle dépendent de la composition environnementale du bassin versant. Le régime hydrologique associé au bassin versant traduit une partie de la dynamique du petit cycle de l’eau, car il représente la quantité d’eau qui transite dans les rivières sur une année. Les petits cycles de l’eau participent à la formation de microclimats (30).

Les chercheurs slovaques (auteurs du nouveau paradigme de l’eau) estiment que les précipitations sur nos bassins à régime hydrologique non perturbé sont issues entre 50 % et 65 % des petits cycles locaux de l’eau. Ces cycles jouent donc un rôle capital dans le fonctionnement d’écosystèmes tel que les forêts, les zones humides…

Les prélèvements massifs ou l’accélération du ruissellement vers la mer ou l’océan (avec l’urbanisation des sols) tendent à déséquilibrer des cycles et donc les climats locaux.

Lorsque le ruissellement de l’eau est favorisé sur un bassin, c’est au détriment de son évaporation. En conséquence, le volume d’eau contenu dans le petit cycle local de l’eau décroit graduellement.

3. Le rôle de la végétation

La végétation joue un rôle majeur dans les processus d’évaporation. Les plantes favorisent l’infiltration de l’eau dans la terre grâce à leurs racines (c’est l’absorption racinaire). Celles-ci ont également la capacité d’absorber l’eau puisqu’elles ont besoin de cette ressource pour se développer. Ce phénomène se nomme la captation. L’eau absorbée par la plante lui permet de garder une température constante. C’est le phénomène de thermorégulation. En effet, ces dernières suent à travers leurs pores sur la surface de leurs feuilles. Ce phénomène d’évapotranspiration est estimé, en zone tempérée, sur une surface végétalisée, à environ 3 litres d’eau par jour et par m2.

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La végétation joue un rôle majeur dans les cycles de l’eau puisqu’elle a la capacité de retenir l’eau, de l’infiltrer dans la terre (en permettant un processus de dépollution via une infiltration lente) et de la restituer sous forme d’évapotranspiration. La végétation facilite les échanges d’eau entre les réservoirs et contribue favorablement aux cycles de l’eau (31).

Plus un sol est végétalisé, plus l’énergie solaire est transformée en chaleur latente (chaleur servant à l’évaporation de l’eau sans réchauffement de la surface provoquant un rafraichissement). A contrario, moins un sol est végétalisé, plus l’énergie solaire est transformée en chaleur sensible (correspondant au réchauffement des territoires).

L’humidité retenue par les sols et les végétaux rafraichit l’air ambiant et tempère les températures extrêmes : un sol asséché transforme jusqu’à 60% du rayonnement solaire en chaleur sensible. Dans une zone saturée en eau, jusqu’à 80 % du rayonnement peut être transformé en chaleur latente et seule une faible partie du rayonnement solaire devient de la chaleur sensible.

En plus de retenir et de favoriser l’infiltration de l’eau dans nos sols, le couvert végétal tempère les effets thermiques et donc le réchauffement de la planète.

Si un sol est recouvert d’une couverture végétale importante, il contient plus facilement l’eau de pluie puisque les plantes absorbent et laissent infiltrer l’eau.

Sur ce bassin, les phénomènes d’évaporation et d’évapotranspiration de l’eau avec la chaleur du soleil sont privilégiés. La température est régulée puisque l’énergie solaire consomme l’eau retenue par les végétaux qui non seulement créent de l’ombre mais aussi transforment l’énergie en chaleur latente. En conséquence, la croissance des végétaux et l’apparition du petit cycle local de l’eau sont favorisés.


Notes de bas de page

(20) http://echo2.epfl.ch/e-drologie/chapitres/chapitre1/chapitre1.html
(21) Blanchon D. (2013) Atlas mondial de l’eau, Défendre et partager notre bien commun, Paris, Autrement
(22) Par opposition à l’eau souterraine, l’eau de surface est une eau qui se trouve sur la surface du sol. Il s’agit des océans, des cours d’eau, des lacs, des eaux de ruissèlement…
(23) Une eau superficielle représente les eaux de surface c’est-à-dire l’eau des lacs, des rivières…
(24) Type de sol suffisamment poreux pour contenir une nappe d’eau.
(25) CNRS, dossier scientifique en ligne sur l’eau Découvrir l’eau, http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decou/rubrique.html
(26) et (27) Frérot A. (2009), L’eau pour une culture de la responsabilité, Paris, Autrement Frontières
(28) Blanchon D. (2013), Atlas mondial de l’eau, Défendre et partager notre bien commun, Paris, Autrement
(29) http://echo2.epfl.ch/e-drologie/chapitres/chapitre9/chapitre9.
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(30) Les micros climats désignent des conditions climatiques limitées à un territoire restreint qui se distinguent du climat général où se trouve ce territoire. Nous pouvons prendre l’exemple de l’oasis qui symbolise concrètement les micros climats.

 

L’exploitation des écosystèmes et de la ressource par l’Homme

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L’Homme a toujours modifié son environnement et façonné les paysages pour en tirer profit et se mettre en sécurité. L’exploitation des écosystèmes et de la ressource en eau participe au déséquilibre des cycles de l’eau.

A. La déforestation

gdsgLes forêts jouent un rôle majeur dans l’équilibre climatique puisqu’elles captent les molécules de CO2 et retiennent les molécules d’H2O. En Europe, les forêts couvraient environ 80% de nos terres, alors qu’aujourd’hui celles-ci couvrent seulement 34 %, à l’exception de la Russie. Selon Eduardo Rojas-Briales, sous-directeur général du département des forêts de la FAO, « Les forêts font partie des infrastructures naturelles de tout pays et sont essentielles au cycle de l’eau (…) Elles réduisent les effets des inondations, préviennent l’érosion du sol, régulent le niveau de la nappe phréatique et assurent à la population, aux industries et à l’agriculture une alimentation en eau de bonne qualité » (32).

Les forêts sont des espaces qui participent à l’équilibre des cycles de l’eau avec les phénomènes de retenue, d’infiltration de l’eau et d’évapotranspiration des végétaux. En détruisant les forêts, l’Homme influence et perturbe cet équilibre et favorise l’érosion.

L’érosion est un processus géomorphologique naturel qui provoque la dégradation et la transformation du relief. Ce phénomène est accentué par l’action de l’Homme et modifie les habitats des espèces animales et végétales. Par ailleurs, le dénuement des sols favorise le ruissellement et de ce fait, diminue la réserve hydrique du sol. De plus, ce sont des eaux polluées qui ruissellent sans traitement artificiel ou naturel dans les fleuves.

L’arrêt de la déforestation et la re-végétalisation des terres usées représentent des enjeux majeurs pour minimiser les impacts sur la ressource en eau et atténuer les effets du changement climatique. Par exemple, des forêts de protection ont été mises en place en France. « Les forêts de protection sont des forêts publiques ou privées, restaurées ou protégées pour se prémunir et prémunir les générations à venir et les écosystèmes contre les catastrophes naturelles, les risques naturels, afin de préserver la sécurité, la santé et la qualité de vie des habitants des zones très urbanisées, les ressources en eau et le patrimoine sol » (33).

Dans les forêts de protection, une réglementation stricte est introduite pour conserver ces milieux naturels (interdiction de l’accès au public, du pâturage, des défrichements, des fouilles et de l’emprise d’infrastructures…). Par exemple, les forêts rhénanes strasbourgeoises sont désormais protégées par le décret du 28 juillet 2006 qualifiant ce territoire de réserve naturelle.

De même, en Europe des programmes de reboisement sont mis en place, avec l’objectif de restaurer ou de créer des zones boisées qui ont été détruites dans le passé. A titre d’exemple, selon l’Office National des Forêts ONF, la France comptait en 6500 avant JC, 400 000 km2 de forêt, 75 000 km2 à son minimum au milieu du 19ème siècle et compte aujourd’hui 155 000 km2 de forêt. De nombreuses campagnes de reforestation menées par des communautés, des associations, l’ONU sont impulsées aujourd’hui partout dans le monde.

B. Modification des cours d’eau

449552-664676Parallèlement à la déforestation, l’Homme, à la moitié du XXème siècle, a réalisé de nombreuses opérations d’aménagement des cours d’eau. Nombre d’entre eux ont vu le tracé de leur lit (34) modifié : c’est la chenalisation (35). L’Homme a également installé des barrages, « ouvrages d’art » construits au travers des cours d’eau pour réguler le débit des rivières ou stocker l’eau. Toutes ces opérations cherchent à maitriser la capacité hydraulique d’un secteur de rivière, à protéger les terres cultivables et les habitats des inondations, à produire de l’énergie, à irriguer et à alimenter en eau potable les Hommes et les bêtes. En France, au total, les barrages retiennent 7,5km3 d’eau sur les 10km3 d’eau stockés (36).

amenagementsLa chenalisation a un impact sur l’équilibre des cours d’eau puisque non seulement elle modifie les habitats de la faune et de la flore mais elle déséquilibre aussi le régime hydrologique naturel. Plus particulièrement, la chenalisation a des effets sur:

– les pics de crue et les étiages à certains endroits du bassin sont augmentés.

– la pente et la vitesse d’écoulement sont modifiées.

– les méandres de la rivière sont supprimés et donc la présence de refuges où le débit est moins fort et qui constituent des endroits de repos et de reproduction pour les poissons.

– le cours d’eau est isolé de son environnement. Cela entraîne la disparition de zones humides à côté du lit de la rivière et la disparition de la biodiversité dans ses zones. De plus, cela limite l’oxygénation de l’eau car la surface de contact entre l’air et l’eau est plus faible. Or, l’oxygène joue un rôle principal dans le processus d’épuration naturelle de l’eau. Le cours d’eau n’est plus connecté aux eaux souterraines et ne se recharge pas en minéraux.

– la chenalisation impacte donc aussi la qualité intrinsèque de l’eau.

Ainsi, en favorisant l’accélération du ruissellement ou sa retenue, en supprimant les végétaux aux bords de nos berges, l’Homme déséquilibre les cycles de l’eau.

Aujourd’hui, de nombreuses actions sont engagées en Europe pour reconstituer le régime hydrologique naturel des cours d’eau et donc leur dynamique. Ces opérations sont très délicates. Le retour d’expérience est encore faible, les processus hydromorphologiques se réalisant à des échelles de temps importantes. En Rhône-Alpes, des opérations d’arasement des barrages, d’aménagements de berges et des cours d’eau sont en cours et subventionnées par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC) (39).

Ces actions qui contribuent au rétablissement des régimes hydrologiques sont également très bien illustrées dans le documentaire Le Rhône, la renaissance d’un fleuve (2015) réalisé par Claude Julie Parisot.

C. L’urbanisation

dsvL’urbanisation ne cesse de croître et devient préoccupante. Selon l’association Terre de Liens, 1300 hectares d’espaces agricoles et naturels sont recouverts de béton et de bitume chaque semaine, soit l’équivalent en moyenne de la surface d’un département tous les 7 ans. L’étalement des villes induit la mise en place de nombreuses infrastructures, l’imperméabilisation des sols, la chenalisation et l’endiguement des rivières. D’après le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en 2012, 9% du territoire français est artificialisé soit 5,1 millions d’hectares.

L’imperméabilisation des sols contribue au ruissellement de l’eau au détriment de son infiltration. L’eau qui ruisselle des zones urbaines est souvent chargée de matières polluantes (de type hydrocarbures, métaux lourds…) et contamine ainsi les cours d’eau. En effet, dans certaines villes le réseau d’assainissement (le tout à l’égout) permet une évacuation de l’eau vers les rivières. En Europe, plus de 20 km3 d’eau de pluie sont évacuées chaque année du continent, ce qui fait en 50 ans 1000 km3 d’eau (soit 1,1 fois l’eau contenue dans le lac Titicaca). Dans le passé, cette eau saturait l’écosystème, remplissait les nappes et rafraîchissait l’atmosphère.

mesure-de-la-température-ilot-de-chaleurLes villes deviennent très rapidement des îlots de chaleur qui transforment l’énergie qui tombe sur le sol en chaleur sensible. Les îlots de chaleur sont des micros climats artificiels qui se caractérisent par des élévations de température localisées. En éliminant la végétation et en favorisant le ruissellement de l’eau, l’urbanisation (imperméabilisation des sols, dénaturation du paysage) contribue au déséquilibre des cycles de l’eau.

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Bassin de rétention d’eau dans un Ecoquartier (Hanovre)

Aujourd’hui, de nombreuses solutions existent pour minimiser les impacts de l’imperméabilisation des sols. La solution la plus viable est de contrôler l’aménagement des territoires à travers une politique de gestion des eaux pluviales intégrées aux plans d’urbanisation. L’Union Européenne a tenté d’instaurer une directive cadre sur les sols (42).

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Noue d’infiltration: Ces aménagements absorbent les pics de ruissellement sans envoyer l’eau vers l’aval. L’eau s’infiltre lentement dans le sol, en grande partie dépolluée par les plantes et les bactéries naturellement présentes.

Cependant celle-ci a échoué suite à l’opposition de certains États. De nombreuses techniques favorisant les espaces verts, les toitures végétalisées, les éco-quartiers, l’implantation de noues (43), de chaussées réservoirs, de puits d’absorption, de tranchées drainantes ou encore de bassins d’infiltrations (…) permettent de minimiser les impacts de l’urbanisation sur la ressource en eau. Ces techniques de rétention d’eau sur les territoires sont des solutions coûteuses en installation et en entretien. Elles nécessitent un appui politique et financier fort.

D. L’agriculture intensive

L’agriculture mondiale est le premier secteur employeur : 40 % de la population active dépend de l’agriculture. Pour autant, c’est un des secteurs les moins durables : on considère qu’il est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (44).

Mais ce n’est pas l’unique problème que pose ce secteur. La modernisation des pratiques agricoles (avec la technicité) a permis d’augmenter considérablement les rendements agricoles. L’agriculture intensive qui en découle menace particulièrement les équilibres naturels. En effet, l’agriculture intensive consiste à créer de grandes surfaces cultivables qui sont exploitées à partir de modèles productivistes. On estime que la production agricole a été multipliée par 6 entre 1900 et 1975 (45). En rassemblant les champs pour créer de très grandes surfaces cultivables rentables où la technicité peut être introduite, l’homme a supprimé en grande partie les bandes enherbées, les haies (…) qui séparaient auparavant les différentes cultures. Ainsi, l’Homme a effacé les retenues d’eau végétales naturelles, a favorisé le ruissellement et a asséché les sols.

dsdPour augmenter les rendements et accroître la durée de la saison agricole, l’Homme utilise des techniques d’irrigation en complément de l’eau de pluie. Il s’agit d’une opération qui consiste à apporter artificiellement de l’eau à des végétaux cultivés pour en augmenter la production et permettre leur croissance en cas de déficit pluviométrique, de drainage (46) excessif… Il existe différentes techniques d’irrigation qui puisent dans les eaux de surfaces ou dans les eaux souterraines. En 2007, en France, selon les Agences de l’eau 47, les agriculteurs ont prélevé 48 3,923 km3 d’eau pour irriguer leurs champs. 80 % de l’eau prélevée provient des eaux de surface. De plus, il faut ajouter que l’irrigation représente en France environ 63,5 % de l’eau totale consommée par les usagers 49. La raréfaction de l’eau, en période estivale et l’intensification des usages amènent à prélever dans les nappes; une eau dont le renouvellement est plus long (cf. Fiche sur la place de l’eau dans notre environnement).

L’usage d’eau souterraine 50 pour l’irrigation dans le monde a triplé depuis les années 1960. Certaines techniques d’irrigation ne sont pas durables et posent aujourd’hui des problèmes majeurs du fait de l’origine de la ressource pompée et de sa non restitution au milieu naturel. En effet, cette consommation d’eau participe au processus d’érosion et de salinisation des sols. D’autant plus que 30 à 60 % des eaux issues des techniques d’irrigation traditionnelles ne profitent pas aux cultures et s’évaporent directement (51).

CCI07102015_0006L’agriculture intensive pose de nombreux problèmes pour la ressource en eau qui se voit impactée tant en terme de quantité que de qualité. L’agriculture pollue l’eau du fait des apports d’engrais et de pesticides (insecticides, fongicides, herbicides). On utilise en moyenne 180 millions de tonnes de produits chimiques par an dans le monde. Les trois plus gros utilisateurs de produits chimiques pour l’agriculture sont les États-Unis, le Brésil et la France. Selon l’IFEN (Institut Français de l’Environnement), 96 % des cours d’eau et 61 % des nappes phréatiques en France contiennent au moins un pesticide. Ainsi, chaque Français ingère 1,5 kg de pesticides par an (consommation des légumes, des fruits ou de la viande et des poissons). Or, les personnes les plus exposées à ces intrants (les ouvriers qui les produisent et les agriculteurs qui les utilisent) souffrent et décèdent d’empoisonnement et de maladies liées à cette exposition.

En somme, l’agriculture intensive appauvrit et entraîne la désertification des sols avec des techniques d’exploitation intensive, pollue avec les multitudes d’intrants chimiques utilisés, prélève et consomme de très grandes quantités d’eau ce qui perturbe les cycles de l’eau, nuit à la santé des producteurs et des consommateurs !

Eau virtuellePour comprendre cette surconsommation d’eau à travers les usages agricoles, nous pouvons utiliser ce qu’on nomme l’empreinte eau (52). Cet outil met en évidence le volume d’eau nécessaire pour produire un bien ou un service. La revue Ecological Indicators a démontré récemment que les produits alimentaires représentent en effet 84 % de l’empreinte eau de l’Europe (53).

Avec cet indicateur, nous comprenons qu’il est nécessaire d’adapter nos cultures au climat de notre bassin versant mais aussi de repenser nos habitudes alimentaires. En effet, diminuer notre consommation de viande, de sucre et de graisses animales permettrait de réduire cette même empreinte à 23%. En plus de réduire notre empreinte eau, le changement d’habitudes alimentaires résoudrait beaucoup de problèmes de santé publique comme les problèmes d’obésité, de cholestérol, de diabète.

dsfPour minimiser les impacts sur la ressource en eau, de nombreuses techniques peuvent être employées pour retenir l’eau dans les surfaces agricoles. Par exemple, il est possible de réimplanter des haies ou des arbres sur nos terres. D’autres techniques comme la réimplantation de bandes enherbées, la rotation des cultures, l’utilisation de techniques d’irrigation durables (telle que le goutte à goutte), l’agriculture biologique (…) permettent de réduire les pertes d’eau et de diminuer la consommation en eau.

Des économies d’eau peuvent être également réalisées si nous décidons de cultiver uniquement des semences adaptées à notre climat. En effet, certaines monocultures, impulsées en Europe par la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne, sont très demandeuses d’eau du fait de leur non adaptation au climat européen. Ainsi, le maïs très cultivé sur notre continent, est à l’origine une plante tropicale c’est-à-dire une plante non adaptée à notre climat. Cette céréale est très demandeuse en eau et nécessite un arrosage régulier en été. Environ 900 litres d’eau sont nécessaires pour produire un 1kg de maïs.

E. Les usages de l’eau par l’industrie

Les industries représentent l’ensemble des activités socio-économiques tournées vers la production en série de biens ou d’énergie. Les industries sont historiquement implantées au bord de l’eau, qui était source d’énergie. Aujourd’hui, les industries continuent d’utiliser massivement cette ressource pour produire de l’énergie, laver des objets, chauffer ou refroidir, ou encore réaliser des réactions chimiques en milieu aqueux (55)… Il est estimé aujourd’hui que les industries utilisent environ 20 % de la consommation totale mondiale d’eau. Ce chiffre varie en fonction des pays et du secteur d’activité industrielle.

E.1 L’eau dans la production de biens et services

Sans titreLes industries qui produisent des biens manufacturés ont besoin de la ressource en eau dans leur processus industriel. Elles peuvent avoir besoin d’eau potable (l’agroalimentaire), d’eau très pure (l’électronique, la médecine) mais peuvent aussi utiliser de l’eau usée. En France, les industries, hors secteur de l’énergie, ont utilisé en 2007 9,8% du prélèvement total de l’eau (59 % de cette eau provient dans les eaux de surface) (56).

Selon le CNRS, « les industries les plus gourmandes en eau sont les industries de transformation. En France, les quatre secteurs d’activité que sont la chimie de base et de production de fils/fibres synthétiques, l’industrie du papier et du carton, la métallurgie, et la parachimie et l’industrie pharmaceutique, totalisent à eux seuls les deux tiers de toutes les consommations industrielles » (57).

E.2. L’eau dans la production d’énergie

Dans les processus liés à l’industrialisation, l’eau est une ressource massivement utilisée dans les centrales nucléaires, dans les centrales hydrauliques, dans les centrales à charbon. L’Homme a besoin de plus en plus d’énergie pour assouvir ses besoins. Ici, le plus gros préleveur est le secteur de l’hydroélectricité qui à la différence des autres usages consomme très peu d’eau. En effet, l’eau est généralement prélevée puis rejetée directement dans l’environnement.

De manière générale, les prélèvements d’eau pour produire de l’énergie influent sur la qualité de l’eau (ex : changement de la température, pollution…). L’Agence Internationale de l’Energie (IAE) estime que les prélèvements d’eau destinés à la production d’énergie dans le monde sont de 583 km³ pour l’année 2010 (soit environ 6,6 fois la quantité d’eau retenue par le Léman). Dans les scénarios de l’IAE, en 2035, les prélèvements d’eau augmenteront de 20 % pour produire de l’énergie et la consommation d’eau pour le secteur énergétique connaîtra une hausse de 85%.

Cette utilisation excessive de l’eau par ce secteur pose non seulement des problèmes quantitatifs mais aussi qualitatifs puisqu’il est estimé que 15 à 18 km³ d’eau douce sont contaminés chaque année par la production de combustibles fossiles.

CCI07102015_0013La France est un des plus gros producteurs d’énergie nucléaire (58 réacteurs actifs) avec les États-Unis et le Japon. L’énergie nucléaire représente 75% de la production totale d’énergie en France. Dans le discours populaire le nucléaire, est assimilé à une énergie propre. Les centrales ne rejetant que de la vapeur d’eau ! En réalité, l’intérieur et le mécanisme d’une centrale mettent en jeu énormément de produits chimiques. La moindre fuite entraine des pollutions très importantes. Pour ne donner qu’un exemple, en 2011, la centrale de Chooz dans les Ardenne a rejeté entre 200 à 600 litres d’acides sulfuriques dans la Meuse suite à une fuite dans des tuyauteries rouillées. Ces rejets, même inférieurs aux seuils légaux, se combinent dans l’eau avec d’autres polluants provenant d’autres industries ou des activités agricoles dont les effets sont peu connus mais certainement dangereux. Ces fuites sont malheureusement fréquentes. En effet, le parc nucléaire est vieillissant. La plupart des réacteurs ont été construits à la suite du choc pétrolier, entre 1977 et 1987 pour une durée de vie initiale de 30 ans ! Par ailleurs, les déchets nucléaires posent aujourd’hui beaucoup de questions concernant leur gestion et leur retraitement. Mais le problème essentiel du nucléaire est celui du risque humain et environnemental incompatible avec le principe de précaution. Les accidents de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) nous montrent bien le danger de cette technologie. En dehors des risques de fuite, d’explosion (…), la technologie CCI07102015_0012nucléaire pollue l’environnement et notamment l’eau puisque l’eau prélevée subit des traitements chimiques (déminéralisation, chloration) qui donnent lieu à des rejets chimiques, principalement du sodium, des chlorures et des sulfates mais aussi parce que l’eau est échauffée du fait de son utilisation pour le refroidissement. Dès lors, c’est de l’eau plus chaude de quelques degrés qui est rejetée dans les milieux aquatiques. Le réchauffement des rivières entraine des modifications de la faune et de la flore. La question d’une sobriété énergétique mais aussi d’une production d’énergie verte est cruciale pour la préservation de l’eau et du climat !

Aujourd’hui, le secteur énergétique fait peser une nouvelle menace pour l’eau avec l’accélération de l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, en Afrique du Nord et en France aussi avec de nouveaux permis d’exploration. Le gaz de schiste est un gaz qui est coincé dans la roche dans de grand profondeur est donc difficilement exploitable. Pour l’extraire, il faut fracturer la roche en envoyant de l’eau sous pression, mélangée avec du sable et des produits chimique. Cette technique d’extraction est extrêmement gourmande en eau mais aussi très polluante. Le gaz de schiste est un phénomène inquiétant car l’exploitation de ce gaz cache de gros enjeux économiques et de dépendance énergétique.

Pour minimiser les impacts sur la ressource en eau, les économies d’énergie se présentent comme une solution viable et durable. En contrôlant notre consommation d’énergie au quotidien, nous économisons la ressource en eau et nous contribuons à l’équilibre du climat. L’utilisation des énergies renouvelables (énergie solaire ou éolienne …) sont des solutions qui doivent être encouragées par nos politiques publiques. Comme le souligne le plaidoyer de France Libertés : « Une autre façon de mieux utiliser les ressources en eau est de leur rendre une visibilité. La mise en place d’une empreinte eau (« water footprint ») pour les biens de consommation issus de l’industrie serait un moyen efficace de sensibiliser le consommateur et de responsabiliser les entreprises face à la surexploitation des ressources en eau dans le monde » (59).

Il nous semble également nécessaire d’interroger nos modes de consommation qui reposent aujourd’hui principalement sur des biens d’ordre secondaire.

F. Les usages domestiques de l’eau

Nous appelons usages domestiques de l’eau, les prélèvements et les rejets de la ressource en eau destinée aux besoins directs de l’Homme. Il s’agit des soins d’hygiène, des préparations alimentaires et des lavages. Comme le précise un article publié par le Centre d’Information sur l’Eau, « Les évolutions économiques et sociales, la modernisation, l’urbanisation, et l’arrivée de l’eau dans les logements ont totalement modifié nos usages domestiques de l’eau » (60).

A la fin du 18ème siècle, les hygiénistes estimaient qu’une personne utilisait pour l’ensemble de ses besoins entre 15 et 20 litres d’eau tandis qu’aujourd’hui en France, la consommation moyenne d’un habitant par jour est de 137 litres d’eau. Cette consommation varie en fonction de la composition des foyers et en fonction du revenu de chaque personne. A cette consommation, nous pouvons ajouter l’ensemble des consommations collectives des écoles, hôpitaux, lavage de voirie…

L’accès à l’eau et à l’assainissement est très développé en Europe. Quasiment 99 % de la population française est raccordée à un réseau d’eau et d’assainissement. Le prélèvement sur la ressource en eau en France pour les usages domestiques est de 5 775 km³ en 2007 soit 18,3 % de l’eau totale prélevée. 63% de cette eau est pompée dans les nappes phréatiques. La dépollution des eaux de surface a un coût si élevé qu’il est plus économique aujourd’hui de capter l’eau souterraine qui représente 24 % du total des eaux consommées par les usagers de l’eau (61).

En plus, nos canalisations présentent de nombreuses failles. Le réseau est vétuste. Ainsi, l’association 60 millions de consommateurs estime qu’un litre d’eau sur cinq n’arrive pas à notre robinet. Au total, en France, les fuites d’eau liées à notre réseau de canalisations long de 850 000 km, représentent sur un an environ 1,3 km³ d’eau.

Pour minimiser les impacts, de nombreuses associations réalisent de la prévention afin de réduire notre consommation d’eau qui va de pair avec la réduction de notre consommation d’énergie. Par exemple, l’association InterSolidar réalise un travail de sensibilisation en éditant un guide des bonnes pratiques pour économiser l’eau. Il faut également renforcer les actions de réduction des fuites d’eau par des travaux d’entretien des canalisations.


(31) Le temps de résidence d’une molécule d’eau dans la biosphère est estimé à une semaine.
(32)Rojas-Briales – Extrait de son discours – le 21 mars 2011 à la veille de la journée mondiale de l’eau : http://www.fao.org/news/story/fr/item/53467/icode
(33) Source Wikipedia
(34) Partie généralement située en fond de vallée dans laquelle s’écoule un courant d’eau sous l’effet de la gravité
(35)La chenalisation recouvre toutes les actions qui consistent à modifier la morphologie d’un cours pour le rendre plus rectiligne et contraindre son écoulement. Cf. définition du Cemagref : http://www.glossaire.eaufrance.fr/concept/chenalisation
(36) Chiffres issus du dossier Le financement de la gestion des ressources en eau en France (actualisation de janvier 2012)
(37)http://www.randonneepyrenees.com/3_peche/milieux/danger_menaces.html
(38) http://www.esrifrance.fr/sig2004/communications/cnr/cnr.htm
(39)L’Agence de l’Eau est un établissement public de l’Etat sous la tutelle du Ministère en charge du développement durable. Elle assure trois grandes missions : améliorer la gestion de l’eau, lutter contre la pollution et protéger les milieux aquatiques. Il en existe 6 en France qui gèrent les 7 grands bassins versants.

(40) Cf. le site de l’association Terre de Liens: www.terredeliens.org/ et l’article d’Alternatives Economiques, juin 2012 : http://www.alternatives-economiques.fr/l-agriculture-grignotee-par-la-ville_fr_art_1149_59046.html
(41)Chiffre issu de Kravcík M. (2007), L’eau pour rétablir le climat – le nouveau paradigme de l’eau
(42) Directive proposée par la commission le 22 septembre 2006.
(43) Fossés peu profonds et larges, végétalisés, qui recueillent provisoirement de l’eau, soit pour l’évacuer via un trop-plein, soit pour l’évaporer (évapotranspiration) ou pour l’infiltrer sur place permettant ainsi la reconstitution les nappes phréatiques.
(44) Cf. site du mouvement des Colibris, L’agriculture: les chiffres clés :https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/revolutionnons-lagriculture/agriculture-des-chiffres-cles
(45) « Vie », site ressource en Sciences de la Vie – ENS / DGESCO / UPMC 1999-2015 : http://www.snv.jussieu.fr/vie/
(46) Technique qui consiste à favoriser artificiellement l’évacuation de l’eau gravitaire. Le drainage est pratiqué dans de nombreuses cultures, il favorise le ruissèlement de l’eau vers les rivières.
(47)Rapport annuel 2010 du Conseil d’Etat, L’hydrosystème et son droit. Comme le souligne les Agences de l’eau, il est à noter que ces données présentes une fiabilité limitée car certains usages de l’eau (notamment pour l’agriculture) sont mal connus et appréhendés .
(48) Il est nécessaire de distinguer le prélèvement de la consommation d’eau. Comme le souligne le centre d’information sur l’eauLes prélèvements désignent la quantité d’eau prélevée dans le milieu naturel puis rejetée après utilisation (donc à nouveau disponible), tandis que la consommation correspond à une quantité d’eau prélevée, réellement consommée, absorbée. Qui ne peut être pas renvoyée directement dans la nature après usage. »
(49) Période de l’année où le niveau d’un cours d’eau atteint son point le plus bas
(50) C’est-à-dire consommé
(51)« Vie », site ressource en Sciences de la Vie – ENS / DGESCO / UPMC 1999-2015 : http://www.snv.jussieu.fr/vie/dossiers/eau/eaugestion/eauagriculture.html
(52) http://waterfootprint.org/en/
(53) Cité par le mouvement des Colibris dans L’agriculture : les chiffres clés : https://www.colibris-lemouvement.org/revolution/revolutionnons-lagriculture/agriculture-des-chiffres-cles

(54) http://www.viande.info/elevage-viande-ressources-eau-pollution
(55)Qui contient de l’eau
(56) Rapport annuel 2010 du Conseil d’Etat, L’hydro système et son droit
(57)Le CNRS en ligne : http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/usages/consoIndus.html

(58) Cf. article du réseau Sortir du nucléaire http://www.sortirdunucleaire.org/spip.php?page=article_dossier&id_article=34119
(59)Plaidoyer Eau et Climat de la Fondation France Libertés
(60) http://www.cieau.com/les-ressources-en-eau/en-france/les-usages-domestiques
(61) Rapport annuel 2010 du Conseil d’Etat, L’hydrosystème et son droit

Conclusion: Comprendre les relations entre l’Eau et le Climat

Il existe une forte corrélation entre l’eau et le climat. Le climat a une influence sur l’eau puisque la disponibilité en eau est déterminée par des phénomènes saisonniers. Réciproquement, la gestion de l’eau par l’Homme influence les phénomènes climatiques puisque l’Homme tend, par ses pratiques, à perturber l’équilibre naturel des cycles de l’eau qui participent aux phénomènes climatiques.

climat et eau

L’exploitation de la ressource en eau n’est pas sans conséquence sur sa qualité et sa durabilité. En plus de perturber qualitativement la ressource en eau (pollution), l’Homme déplace de très grandes quantités d’eau temporellement et spatialement.

Le nouveau paradigme de l’eau met en évidence que la gestion de l’eau par l’Homme et son emprise sur les écosystèmes perturbe l’équilibre naturel des cycles de l’eau.

Cherchant à contrôler et à exploiter à son maximum cette ressource, l’Homme impacte le climat. L’eau est une ressource difficilement renouvelable (temps de résidence parfois long), vitale et largement répandue dans nos usages et pratiques. Elle est répartie de manière inégale sur notre planète et nous tendons à renforcer ces inégalités en appauvrissant la ressource dans certains réservoirs (ex : eau souterraine) et en enrichissant d’autres réservoirs (océans par exemple). Par exemple, M. Kravcik estime que la quantité d’eau présente sur les continents n’est pas la même que la quantité d’eau présente dans ce même réservoir avant l’apparition de l’Homme.

A l’heure actuelle, nous ne savons pas la quantité d’eau non glaciaire qui contribue à la hausse des océans. Cependant, il est estimé qu’un accroissement de seulement 1% par an du volume d’eau déversé dans les fleuves et s’écoulant vers les océans aboutirait au bout de 100 ans à une hausse de 10 cm des océans.

En outre, les milliers de mètres cubes d’eau que nous utilisons et les aménagements de notre territoire (qui favorisent le ruissellement de l’eau et la destruction de la nature) contribuent à la disparition de l’eau dans certains bassins et donc à son non renouvellement.

La variabilité climatique, sécheresse, inondations… est un produit de l’Homme provoquée en partie par la gestion de l’eau. Aujourd’hui, ce sont les services éco systémiques qui sont mis à mal par l’Homme avec la perturbation des cycles de l’eau et autres.

Nous appelons par services éco systémiques les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes sans avoir à agir pour les obtenir. Par exemple, les zones humides sont des milieux qui rendent des services éco systémiques (réserve de biodiversité, épuration naturelle de l’eau, recharge de la nappe phréatique). La maîtrise des usages de l’eau et la minimisation des aménagements du territoire semblent être la solution la plus viable pour revenir à des cycles de l’eau équilibrés. Pour limiter nos impacts sur l’eau, il est nécessaire de multiplier des politiques et des actions visant à protéger localement la ressource (exemple : réglementation, taxes, financement, sensibilisation, etc.).

C’est en agissant au niveau local que nous pouvons espérer faire changer le global. Avec une gestion adaptée de l’eau et du territoire, nous pouvons freiner le réchauffement climatique. Nous comprenons que les phénomènes liés au changement climatique sont complexes et interdépendants. Il est nécessaire d’alimenter nos recherches sur le climat avec des études d’impacts cumulés (CO2 et autres facteurs) pour envisager le plus largement possible toutes les solutions à nos échelles locales. Nous pourrons ainsi, non seulement réduire les effets du réchauffement climatique mais aussi nous y adapter.

Les processus impulsés par l’ONU tel que celui de la COP21 nous semblent trop sectoriels puisque concentrés sur le CO2. Ces négociations doivent s’élargir aux autres biens communs de l’humanité qui sont mis à mal par l’action de l’Homme : l’eau, l’air, les forêts, les coraux… Nous oublions trop souvent que l’Homme est composé à 60% d’eau.

Des solutions peuvent être adoptées à notre échelle comme le montre les exemples présentés dans le chapitre suivant. Nos manières de penser et d’agir doivent être revues pour atténuer les effets du changement climatique et adapter nos modes de vie. De nombreuses actions issues d’acteurs divers proposent des solutions alternatives pour vivre autrement et s’adapter à l’environnement.

Au delà de l’adoption de pratiques plus environnementales, il s’agit aussi de réinterroger notre manière de concevoir et gérer les ressources. Le monde de l’eau, comme d’autres secteurs (énergie, transport, déchets) a besoin aussi de cette remise enquestion.

Il s’agit bien de redonner du crédit à une gestion publique de l’eau, démocratique, transparente pour répondre efficacement à nos besoins sociaux et aux défis écologiques. Repenser l’organisation territoriale, favoriser la participation du citoyen, impliquer l’ensemble des usagers, mettre en place des nouvelles tarifications à la fois sociales et écologiques : autant d’actions qui participeront à la réussite globale.

Le petit manuel de l'eau bien communD’ailleurs, les solutions locales qui sont présentées dans les fiches actions exemplaires intègrent le plus souvent ces questions-là. Ce sont souvent des SCOP Sociétés Coopératives, des associations, des rassemblements de citoyens qui, en plus de mettre en œuvre des pratiques innovantes et écologique, expérimentent des nouvelles manières de s’organiser en mobilisant la solidarité et le partage.

Et c’est aussi grâce à cela que nous luttons contre la logique dominante de privatisation et de marchandisation pour avancer vers l’objectif de l’eau bien commun !

Pour télécharger la version complète du petit manuel de l’eau est du climat qui retrace ce cursus en ligne, cliquez >>>ICI

Pour aller plus loin dans cette analyse, vous pouvez également consulter l’EXPOSITION EAU ET CLIMAT en cliquant >>>ICI

Vous pouvez également télécharger le livret de plaidoyer Eau et Climat réalisé par la Fondation France Liberté en cliquant >>>ICI

Nous vous invitons également à suivre le cursus pédagogique réalisé par le Global Development And Environment Institute sur L’Économie et la Politique de l’Eau qui revient en partie sur les grands thèmes abordés dans ce module pédagogique. Pour voir tous les modules qui sont réalisés pas cette institut, cliquez >>>ICI

Retrouvez également la page de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne sur le changement climatique et l’eau en cliquant >>>ICI