La place de l’eau dans notre environnement

cycle de l'eau

A. LES GRANDS PRINCIPES DE L’EAU

1.1. Les états de l’eau

Rappelons tout d’abord que l’eau est une molécule composée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène (H2O). L’eau a la plus haute capacité d’absorption d’énergie thermique de tous les matériaux connus. Elle absorbe et libère cette énergie en se transformant et en passant par plusieurs états :

  • l’état solide (glaciers…),
  • liquide (lacs, rivières, océans…),
  • gazeux (vapeur d’eau). Les températures et la pression atmosphérique permettent ce changement d’un état à l’autre.

1.2. Répartition de la ressource sur Terre

Repartition des eaux dans le monde
Source : © Laboratoire d’Ecohydrologie ECHO (20)

La Terre contient environ 1 386 millions de km3 d’eau. Elle est recouverte d’eau à environ 70 %. L’eau se répartit dans 4 grands réservoirs :

–   Les océans contiennent de l’eau salée et stockent 97% de notre eau.
Les eaux continentales sont contenues dans les nappes phréatiques, les lacs, les rivières, les glaciers (eau douce) et représentent environ 2.99% de l’eau stockée sur terre (dont 2% stockée dans les glaciers).
–   L’atmosphère stocke environ 0.001% de notre eau.
–   La biosphère (végétaux, animaux…) stocke 0.0004 % de notre eau

1.3. L’accès à la ressource

L’eau est une ressource abondante mais qui est répartie de manière inégale sur Terre. Avec le changement climatique, la répartition de l’eau dans les grands réservoirs tend à évoluer. Ces évolutions impactent principalement l’eau douce qui est inégalement répartie géographiquement et socialement. La plus grande partie d’eau douce est concentrée dans l’Antarctique et le Groënland. Cette dernière est difficilement exploitable au vue des connaissances scientifiques et techniques actuelles (21).

Carte ressource en eau douce dans le mondeCette carte met en évidence que l’accès à l’eau douce est très différent selon les territoires. Elle se base sur l’indice de stress hydrique développé par Falkenmark and col. Cet indicateur se calcule sur une estimation de la quantité des ressources en eau renouvelable (de surface et souterraines) moyenne par habitant et par an, comparée au besoin en eau individuel calculé en prenant comme référence un pays développé, sous un climat semi-aride. Le seuil d’alerte retenu par l’Organisation des Nations Unies (ONU) correspond à moins de 1700 mètres cubes d’eau douce disponible par habitant et par an. Ici, nous constatons que certains pays connaissent déjà des situations de pénurie ou de stress hydrique alors que d’autres sont en situation d’abondance.

Cet indicateur montre autant l’inégale répartition naturelle de la ressource que la disponibilité sociologique du fait de nos usages, de la croissance démographique et aussi des capacités techniques et financières d’exploitation de la ressource dont on dispose, etc. L’accès à l’eau est donc aussi un enjeu économique. En réalité, les personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable souffrent moins d’un manque d’eau que d’un manque d’accès à l’eau via des services d’eau potable performants.

Les eaux souterraines (22) et de surface ne représentent que 1% des stocks exploitables. Les eaux superficielles (23) sont les plus facilement exploitables car elles sont rapidement renouvelées tandis que les eaux souterraines sont difficiles d’accès et nécessitent des techniques d’extraction très coûteuses et polluantes. Pour autant, aujourd’hui, on puise notre eau essentiellement dans des aquifères (24). En effet, les eaux de surface sont le plus souvent de moins bonne qualité et cela nécessite de mettre en oeuvre des techniques de dépollution coûteuses. Malheureusement, nous surexploitons le plus souvent ces nappes alors qu’elles se renouvellent très lentement (cf. partie B).

Les experts estiment que d’ici 30 à 40 ans, de grandes nappes vont s’épuiser aux Etats-Unis, en Chine, en Arabie Saoudite, en Inde et en Iran si rien n’est fait 25. L’accès à l’eau de tous ne se pose pas qu’en termes de quantité mais aussi de qualité ; c’est pourquoi l’indicateur de stress hydrique n’est pas suffisant pour juger de la situation d’un pays. En effet, il ne suffit pas d’avoir de l’eau en réserve mais il faut aussi avoir de l’eau de qualité.

Enfin, l’accès à l’eau potable pose aussi la question des rapports entre pays pour le partage et la préservation de la ressource. Comme le dit Antoine Frérot dans son livre : « En réalité, l’eau est une grande mutuelle, tous les habitants d’un bassin hydrologique sont interdépendants, pour le meilleur usage de l’eau ou pour le pire (26) ».

L’eau est une ressource qui n’appartient à personne et qui traverse les frontières ; son utilisation dans un pays affecte sa disponibilité et sa qualité dans un autre. La raréfaction future de l’eau est une source d’inquiétude importante au niveau international quant à l’apparition de conflits autour de cette ressource. D’autant plus que 270 bassins fluviaux sont transfrontaliers et que pas moins de 40 % de la population mondiale vivent dans ces bassins. C’est pourquoi, on entend souvent des termes comme « la guerre de l’eau » ou « l’or bleu ».

Il existe déjà des conflits liés à l’eau à l’intérieur de pays entre populations locales ou entre plusieurs pays comme au Nord et au Sud de l’Afrique, au Proche-Orient, en Amérique centrale, au Canada et dans l’Ouest des États-Unis. Par exemple, le Nil, le plus long fleuve du monde, chemine parmi dix pays. L’Égypte, qui est entièrement tributaire du Nil pour ses ressources en eau, doit donc négocier avec dix autres États du bassin du Nil comme le Soudan ou l’Ethiopie. En réalité, les conflits liés à l’eau existent de longue date dans l’histoire. S’il est nécessaire de trouver un accord commun concernant cette ressource, l’eau est parfois un formidable vecteur d’entente et de coopération. Par exemple, en dépit des successives guerres du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan, la coopération concernant l’Indus n’a jamais cessé (27).

Si des accords sur le partage de la ressource existent, le défi de demain avec le changement climatique est de trouver une entente concernant sa préservation. Il existe peu d’accords pour arriver ensemble à réduire les pollutions ou instaurer une bonne gestion.

1.4 Disponibilité de la ressource

imagesPour comprendre la répartition et l’accès à l’eau sur nos continents, nous utilisons l’unité de base du bassin versant. On le définit comme « la surface topographique où les précipitations s’écoulent vers un exutoire commun. (…) On distingue généralement les bassins endoréiques, sans écoulement vers la mer, qui couvrent 11% des terres émergées, des bassins exoréiques. La forme du bassin versant, sa position par rapport aux flux de précipitation, sa couverture végétale et sa géologie, qui détermine la présence de nappes phréatiques, sont autant d’éléments déterminants pour connaitre les ressources en eau disponibles » (28).

figure9
Graphique représentant le régime hydrologique de certains cours d’eau dans le monde  (29)

Chaque bassin versant suit un régime hydrologique particulier qui est déterminé par les précipitations et la composition morphologique de celui-ci. La caractérisation du régime hydrologique se base sur des observations sur du long terme et en plusieurs points du bassin versant. Le régime hydrologique est généralement représenté par les débits moyens mensuels sur une année. Les régimes hydrologiques sont différents selon les bassins versants.

Ils sont la résultante de phénomènes saisonniers caractérisés par les domaines bioclimatiques. Par exemple, nous constatons que la disponibilité en eau de la Seine est plus importante pendant les saisons d’automne et d’hiver. Le régime hydrologique du bassin parisien est lié au climat dit océanique dégradé.

Aujourd’hui, on constate que les régimes hydrologiques des rivières sont de plus en plus variables. Cette variabilité est liée au déséquilibre des phénomènes saisonniers attribués au changement climatique anthropique (ex : décalage des pluies, fonte prématurée des glaciers…).

B. REGARD SUR LES CYCLES DE L’EAU

Cette partie s’appuie principalement sur l’ouvrage Water for the Recovery of the Climate – A New Water Paradigm dirigé par l’hydrologue M. Kravcik. Cette analyse montre que les activités humaines ont une forte influence sur les cycles de l’eau. C’est le nouveau paradigme de l’eau. Cette approche est novatrice dans le sens où, la gestion par l’Homme de la ressource en eau est présentée comme l’une des causes du changement climatique.

Le nouveau paradigme ouvre des nouvelles perspectives quant aux moyens pour agir dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Les chiffres et théories que nous avançons dans cette seconde partie sont pour la plupart issus de cette étude.

1. Le grand cycle de l’eau

L’eau est une ressource qui suit à l’échelle du globe un mouvement perpétuel que nous nommons le grand cycle de l’eau. Pour comprendre les étapes de ce cycle, il est nécessaire d’analyser les mouvements de l’eau et le temps de stockage (ou temps de résidence) des eaux dans les grands réservoirs.

Les mouvements de l’eau:

cycle de l'eau

  • En utilisant l’énergie solaire qui touche le sol, une partie de la mer ou de l’eau présente sur les continents s’évapore et forme des nuages : c’est le phénomène de l’évaporation de l’eau. L’évaporation se mesure par la différence entre les précipitations et l’écoulement de l’eau sur un même espace. Environ 550 000 km3 d’eau s’évaporent chaque année soit l’équivalent de l’eau contenue dans la Mer Noire. 86 % de l’eau s’évapore des océans. La vapeur d’eau est le gaz à effet de serre le plus répandu dans l’atmosphère. Son taux oscille entre 1 et 4 %.
  • La vapeur d’eau se condense en altitude et forme des nuages. Ces nuages, sous l’action du vent se regroupent. Ensuite, l’eau sous forme de gaz libère son énergie thermique et retombe sous forme de précipitations. Ce passage de l’état gazeux à l’état liquide se nomme la condensation. Les nuages peuvent se déverser sur le sol sous forme de pluie ou sous forme de grêle ou de neige. 73 % de l’eau évaporée tombe sur les continents.

D’immenses masses d’eau sont transférées d’un réservoir à un autre à l’échelle de la planète. Ce transfert montre que l’eau est une ressource animée par l’énergie thermique et les vents. L’eau suit un mouvement perpétuel naturel. Sous ces différents états et répartie dans les grands réservoirs, il y a autant d’eau sur terre aujourd’hui que depuis son apparition. L’eau est donc une ressource inépuisable. Ce mouvement perpétuel met également en évidence le caractère renouvelable de l’eau.

Le temps de résidence : l’eau une ressource difficilement renouvelable

La molécule d’eau met plus ou moins de temps à réintégrer le grand cycle de l’eau, en fonction du chemin qu’elle emprunte une fois précipitée.

On estime que 60 % de l’eau précipitée retourne rapidement dans l’atmosphère une fois sur terre. Ce phénomène est lié à l’évaporation au niveau des fleuves et des lacs, et à la transpiration des végétaux et des animaux. Nous parlons dans ce dernier cas d’évapotranspiration.

Une autre partie de cette eau ruisselle jusqu’à atteindre les rivières, les nappes phréatiques, les fleuves et les océans. C’est le ruissellement. Environ 40% de l’eau précipitée rejoint les rivières et seulement une très faible partie de cette eau s’infiltre et remplit les nappes phréatiques. C’est l’infiltration. L’eau contenue dans les nappes phréatiques finit très lentement son chemin vers les mers et les océans.

tableauL’eau reste plus ou moins longtemps retenue dans un réservoir. Elle ne circule donc pas continuellement et automatiquement d’un réservoir à un autre. Par exemple, son temps de résidence peut varier de quelques milliers d’années (océans, glaciers, etc.) à quelques heures (cellules vivantes).

La rapidité du renouvellement de l’eau dépend du type de réservoir qui retient la ressource. Le caractère renouvelable de l’eau n’est donc pas instantané. La molécule d’eau met seulement 16 jours pour se renouveler dans une rivière tandis que celle-ci peut mettre jusqu’à 1 400 ans pour se renouveler dans les nappes phréatiques. L’eau provenant des nappes est de plus en plus puisée par l’Homme pour ses usages.

Au vue de son temps de renouvellement, nous comprenons que l’eau douce contenue dans ce type de réserve est un enjeu majeur pour nos populations.

2. Les petits cycles locaux de l’eau

Petits cycles locaux de l'eauLe petit cycle local de l’eau s’opère comme le grand cycle de l’eau à l’échelle du bassin versant. La quantité d’eau évaporée sur un bassin retourne sur ce même bassin sous forme de précipitations. Les processus d’évaporation, de précipitation et d’infiltration liés à ce cycle dépendent de la composition environnementale du bassin versant. Le régime hydrologique associé au bassin versant traduit une partie de la dynamique du petit cycle de l’eau, car il représente la quantité d’eau qui transite dans les rivières sur une année. Les petits cycles de l’eau participent à la formation de microclimats (30).

Les chercheurs slovaques (auteurs du nouveau paradigme de l’eau) estiment que les précipitations sur nos bassins à régime hydrologique non perturbé sont issues entre 50 % et 65 % des petits cycles locaux de l’eau. Ces cycles jouent donc un rôle capital dans le fonctionnement d’écosystèmes tel que les forêts, les zones humides…

Les prélèvements massifs ou l’accélération du ruissellement vers la mer ou l’océan (avec l’urbanisation des sols) tendent à déséquilibrer des cycles et donc les climats locaux.

Lorsque le ruissellement de l’eau est favorisé sur un bassin, c’est au détriment de son évaporation. En conséquence, le volume d’eau contenu dans le petit cycle local de l’eau décroit graduellement.

3. Le rôle de la végétation

La végétation joue un rôle majeur dans les processus d’évaporation. Les plantes favorisent l’infiltration de l’eau dans la terre grâce à leurs racines (c’est l’absorption racinaire). Celles-ci ont également la capacité d’absorber l’eau puisqu’elles ont besoin de cette ressource pour se développer. Ce phénomène se nomme la captation. L’eau absorbée par la plante lui permet de garder une température constante. C’est le phénomène de thermorégulation. En effet, ces dernières suent à travers leurs pores sur la surface de leurs feuilles. Ce phénomène d’évapotranspiration est estimé, en zone tempérée, sur une surface végétalisée, à environ 3 litres d’eau par jour et par m2.

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La végétation joue un rôle majeur dans les cycles de l’eau puisqu’elle a la capacité de retenir l’eau, de l’infiltrer dans la terre (en permettant un processus de dépollution via une infiltration lente) et de la restituer sous forme d’évapotranspiration. La végétation facilite les échanges d’eau entre les réservoirs et contribue favorablement aux cycles de l’eau (31).

Plus un sol est végétalisé, plus l’énergie solaire est transformée en chaleur latente (chaleur servant à l’évaporation de l’eau sans réchauffement de la surface provoquant un rafraichissement). A contrario, moins un sol est végétalisé, plus l’énergie solaire est transformée en chaleur sensible (correspondant au réchauffement des territoires).

L’humidité retenue par les sols et les végétaux rafraichit l’air ambiant et tempère les températures extrêmes : un sol asséché transforme jusqu’à 60% du rayonnement solaire en chaleur sensible. Dans une zone saturée en eau, jusqu’à 80 % du rayonnement peut être transformé en chaleur latente et seule une faible partie du rayonnement solaire devient de la chaleur sensible.

En plus de retenir et de favoriser l’infiltration de l’eau dans nos sols, le couvert végétal tempère les effets thermiques et donc le réchauffement de la planète.

Si un sol est recouvert d’une couverture végétale importante, il contient plus facilement l’eau de pluie puisque les plantes absorbent et laissent infiltrer l’eau.

Sur ce bassin, les phénomènes d’évaporation et d’évapotranspiration de l’eau avec la chaleur du soleil sont privilégiés. La température est régulée puisque l’énergie solaire consomme l’eau retenue par les végétaux qui non seulement créent de l’ombre mais aussi transforment l’énergie en chaleur latente. En conséquence, la croissance des végétaux et l’apparition du petit cycle local de l’eau sont favorisés.


Notes de bas de page

(20) http://echo2.epfl.ch/e-drologie/chapitres/chapitre1/chapitre1.html
(21) Blanchon D. (2013) Atlas mondial de l’eau, Défendre et partager notre bien commun, Paris, Autrement
(22) Par opposition à l’eau souterraine, l’eau de surface est une eau qui se trouve sur la surface du sol. Il s’agit des océans, des cours d’eau, des lacs, des eaux de ruissèlement…
(23) Une eau superficielle représente les eaux de surface c’est-à-dire l’eau des lacs, des rivières…
(24) Type de sol suffisamment poreux pour contenir une nappe d’eau.
(25) CNRS, dossier scientifique en ligne sur l’eau Découvrir l’eau, http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decou/rubrique.html
(26) et (27) Frérot A. (2009), L’eau pour une culture de la responsabilité, Paris, Autrement Frontières
(28) Blanchon D. (2013), Atlas mondial de l’eau, Défendre et partager notre bien commun, Paris, Autrement
(29) http://echo2.epfl.ch/e-drologie/chapitres/chapitre9/chapitre9.
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(30) Les micros climats désignent des conditions climatiques limitées à un territoire restreint qui se distinguent du climat général où se trouve ce territoire. Nous pouvons prendre l’exemple de l’oasis qui symbolise concrètement les micros climats.