Comprendre le Changement climatique et ses enjeux globaux

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CCI07102015_0005La question du climat présente pour nos sociétés de nombreux enjeux que nous ne pouvons nier. Dès aujourd’hui, les effets du dérèglement climatique commencent à se faire sentir et ses conséquences sont de plus en plus visibles dans notre quotidien. L’augmentation des inondations, des périodes de sécheresse, du niveau de la mer, la fonte précoce des glaciers (…) sont des phénomènes qui se renforcent sans que l’Homme sache les prévenir. L’accroissement aléatoire de ces phénomènes est reconnu comme la conséquence d’un processus complexe que nous appelons changement climatique.

1. Qu’est ce que le climat ?

Le climat est un phénomène difficile à appréhender tant il agit à de multiples échelles sur les écosystèmes, via les processus physiques, chimiques et biologiques interdépendants qu’il gouverne. Il existe sur la Terre différents types de climats régionaux déterminés par plusieurs facteurs qui sont la latitude, l’influence de la circulation atmosphérique et des massifs montagneux, l’inégale répartition des terres et des mers (cf. carte des domaines bioclimatiques).

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1. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/climat__les_climats_du_monde/185927

Ainsi, à chaque climat, nous retrouvons un sol et une végétation qui lui sont propres. Par exemple, le climat méditerranéen est un domaine bioclimatique qui est caractérisé par des températures élevées, du fait de la proximité avec l’Equateur (les étés sont chauds et les hivers sont doux) mais aussi par des précipitations irrégulières avec un pic en hiver et une végétation naturelle de type maquis ou garrigue.

2. Le changement climatique

Le climat contient une part de variabilité naturelle et une autre attribuée aux activités de l’Homme, dite « anthropique ». En effet, depuis des millénaires, notre planète a connu différentes phases climatiques historiques, appelées ères glacières (ex : entre -200 000 et -150 000 ans av. J.C.). La paléoclimatologie, Science qui étudie le climat du passé, a mis en évidence que notre ère, l’ère anthropocène, connait une transformation beaucoup plus rapide de son environnement que par le passé (notamment depuis 1800). Cette transformation se traduit concrètement par un réchauffement global de notre planète.

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(2) Source : © Olivier Berruyer, http://www.les-crises.fr

 

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(3) Source : © Olivier Berruyer, http://www.les-crises.fr

Les rapports établis par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat) (4) démontrent que le changement climatique que nous observons aujourd’hui est principalement provoqué par l’activité humaine. En particulier, ses pratiques émettrices de gaz à effet de serre font évoluer rapidement les températures moyennes. En seulement deux siècles, l’Homme est devenu le plus grand producteur de Gaz à Effet de Serre (GES). Ces observations font l’objet d’un consensus scientifique et politique fort puisque la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), établie et signée par l’ensemble des pays, définit le changement climatique comme « des changements du climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables (5) ».

3. L’Homme face aux effets du changement climatique

Les différents rapports du GIEC prouvent que l’homme et son environnement sont déjà et vont être très fortement impactés si des mesures ne sont pas prises à temps. Les gaz à effet de serre (6) sont des gaz qui s’accumulent dans l’atmosphère pendant des décennies voire des siècles. Dès lors, ils continuent d’affecter le climat bien après leur émission. Nous n’avons donc pas d’autres possibilités que de réduire dès maintenant et drastiquement nos émissions pour revenir au niveau de capacité d’absorption de l’atmosphère.

Aujourd’hui, on estime que l’atmosphère peut absorber seulement 20 à 50 % des émissions actuelles (7). Il faudrait réduire nos émissions de 50 à 80 %.

Ce sont donc des mesures fortes qu’il faut prendre dès maintenant. Les conséquences d’un réchauffement climatique même minime de 1°C sont déjà importantes. Le GIEC a procédé à différentes projections, des plus optimistes aux plus pessimistes, pour évaluer les effets sur l’Homme et son environnement.

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Ces effets sont divers et cumulatifs : fonte des glaciers et montée des eaux des océans (ce qui entraîne des pertes de terre et des déplacements de population), acidification des océans, perte de biodiversité (disparition de forêts, de marais, de barrières de corail), pertes de récoltes agricoles dues aux sécheresses (donc hausse des famines) ou aux aléas climatiques (inondations, ouragans), progression des maladies tropicales, augmentation des coûts de climatisation.

Si certains effets positifs à court terme sont constatables, comme la diminution des coûts de chauffage ou la hausse des rendements agricoles dans certaines zones du monde, ils disparaissent vite au profit de scénarios catastrophes. En effet, au-delà d’un certain seuil d’augmentation de la température, nous sommes exposés à des changements brutaux du climat dont les conséquences, bien moins prévisibles, seront probablement très destructrices : la fonte des glaces du Groënland ou de l’Antarctique entrainerait une montée des eaux de 12 mètres et avalerait ainsi plusieurs villes et mégalopoles côtières ; un changement soudain de direction du Gulf Stream dans l’Atlantique Nord rendrait le climat européen similaire à celui de l’Alaska !

Ces différents risques doivent être dès maintenant pris en compte via des mesures pour réduire notre impact sur le climat. S’il existe un consensus sur le changement climatique lié aux activités de l’Homme, nous sommes loin d’un accord international pour enrayer cet impact. Souvent, la politique environnementale est présentée comme une contrainte pour la croissance économique morose qu’il faudrait au contraire dynamiser. Ainsi, le Canada en 2011 s’est retiré du protocole de Kyoto car cela coûterait au pays des milliards d’euros et des pertes d’emplois in fine (8). Même chose du côté de l’Inde qui critique cet accord car un tel engagement climatique retarderait le développement du pays et empêcherait des millions de personnes d’accéder à un niveau de vie décent.

Cependant, ce raisonnement est faux et dangereux. Il s’agit en effet d’enjeux sur le long terme, qui concernent tous les pays et plusieurs générations ainsi que le devenir des espèces végétales et animales. Dès lors, les décisions politiques doivent être prises d’une manière intemporelle. Le rapport Stern réalisé en 2006 pour le gouvernement britannique, du nom de l’économiste Nick Stern, a permis de populariser cette vision sur le très long terme.

En réalisant une comparaison des coûts et des bénéfices des politiques environnementales sur un horizon très long, le rapport conclut : « une évidence émerge de tous les calculs opérés, qui nous conduit à cette conclusion claire et nette : les bénéfices d’une action forte et prise le plus tôt possible outrepassent de beaucoup tous les coûts à venir qu’engendrerait l’inaction ».

Si rien n’est fait, l’étude estime les pertes à hauteur de 5 % du Produit Intérieur Brut mondial (PIB), chaque année et indéfiniment. Ce chiffre peut même s’élever à 20 % du PIB mondial si on retient un scénario de risques et d’impacts d’une plus grande ampleur (9). En comparaison, pour Stern, les coûts d’une action immédiate (en 2006, date du rapport) pour éviter les pires conséquences liées au changement climatique ne s’élèveraient qu’à 1 % du PIB Mondial.

Un coût minime, donc, pour enrayer le pire et qui doit d’ailleurs ne pas être vu comme un coût mais comme un investissement. En outre, plus on retarde l’action, plus elle sera coûteuse et moins efficace ! Limiter nos émissions de gaz à effet de serre nécessite des efforts financiers, certes, mais qui représentent en réalité des mannes financières pour moderniser notre économie, développer de nouveaux secteurs et créer des emplois.

Les politiques environnementales doivent être vues comme un levier pour permettre le rebond de l’économie. Si les instruments économiques permettent de modéliser les risques, les coûts et les gains liés aux changements climatiques et peuvent être des outils d’aide à la décision utiles, nous ne pouvons pas réduire les enjeux d’un tel phénomène sur la simple base d’un calcul économique. Il s’agit aussi pour l’Homme de réinterroger en profondeur sa conception de la solidarité entre les pays et vis-à-vis des générations futures ainsi que son rapport à la nature.

Il lui faut évoluer et s’adapter pour faire face à ces changements rapides. C’est ce qu’on appelle le phénomène de résilience. Il s’agit de la capacité pour un corps, un organisme de résister et de retrouver ses capacités initiales après une altération. Les enjeux globaux du changement climatique résident dans ce phénomène de résilience, c’est-à-dire la capacité pour l’Homme et son environnement à s’adapter et à évoluer.

La résilience de l’Homme se joue sur sa capacité de mettre en place des nouvelles technologies qui répondent à ses besoins tout en respectant l’environnement. Les écotechnologies, par exemple, sont une manière de s’adapter, on pourrait parler de résilience technologique. Mais il s’agit aussi d’être en mesure de changer le système socioéconomique dans lequel nous évoluons pour diminuer notre impact et mieux gérer les biens communs comme
l’atmosphère, l’eau et les ressources naturelles.

La résilience réinterroge la relation entre l’Homme et son environnement. L’Homme n’est pas le seul à être impacté par les changements climatiques. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une des plus anciennes organisations mondiales de protection de l’environnement, établit la liste rouge des espèces végétales et animales menacées depuis 50 ans.

trhDans sa dernière édition, sur les 77 340 espèces étudiées, 22 784 sont classées comme menacées. Or seulement, 3% des espèces connues sont étudiées par l’UICN. Parmi ces espèces, 41% des amphibiens, 13% des oiseaux et 25% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 31% des requins et raies, 33% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères (10).

On estime que 338 espèces de vertébrés ont définitivement disparu et que 280 autres n’existent plus qu’en captivité. Le taux de disparition des espèces aurait été multiplié par 100 depuis 1900. On estime donc que la Terre, qui a connu cinq extinctions massives, entre aujourd’hui dans le début d’une sixième extinction : ce sera la première causée par l’Homme et non pas par des phénomènes naturels (11).

D’où l’importance de repenser notre lien avec la nature. La faune et la flore ne doivent plus être vues comme des ressources au service de l’Homme mais bien comme des êtres avec qui nous sommes interdépendants et complémentaires. Ce changement des consciences peut notamment passer par le droit pénal international pour reconnaitre une justice pour la Terre et pour les écosystèmes. C’est par exemple, l’ambition du mouvement « End Ecocide » qui défend la création d’un cadre légal et pénal pour prévenir et interdire l’endommagement massif ou la destruction des écosystèmes (12).

Pour le moment, il n’existe aucune instance pénale, que ce soit nationale, européenne ou internationale, qui peut, en vertu du droit, poursuivre des organisations comme des multinationales pour avoir détruit un écosystème et sa biodiversité. La reconnaissance de l’écocide (contraction de «éco» comme maison en grec ancien et «cide» du verbe tuer) se situerait au même niveau que le crime contre l’humanité, le crime de génocide, le crime de guerre.

4. Les enjeux de l’eau dans le contexte du changement climatique

Dans un rapport de juin 2008-2013, le GIEC reconnait que depuis les années 60, le changement climatique affecte très fortement la ressource en eau. Nos expériences et sensibilisations personnelles nous font prendre conscience du lien étroit entre la ressource en eau et le climat. Le changement climatique se traduit et se traduira de manière directe sur l’eau autour de plusieurs enjeux:

–  L’accès à l’eau et à l’assainissement : Aujourd’hui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS (14)), un tiers de la population n’a pas accès à l’eau et l’assainissement. Les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques accentuent ces inégalités et la situation tend à empirer. Mais l’accès à l’eau et à l’assainissement est également un enjeu pour nos populations européennes : certaines de nos communes, par exemple, commencent à connaitre des difficultés pour alimenter en eau potable leur population (commune de Dignes-les-Bains, France).

L’agriculture : Selon Alexander Mueller, Sous-Directeur général de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, pour les ressources naturelles, environ 70 % du prélèvement mondiale d’eau douce est liée à l’agriculture (15). C’est donc l’un des domaines les plus cruciaux vis-à-vis de la question de l’eau et aussi du changement climatique. Il est évident que les conflits seront de plus en plus forts vis-à-vis des enjeux agricoles. D’autant plus que la modification des pratiques agricoles pose la question de notre sécurité alimentaire. Or, d’ici 2050, il faudra nourrir presque 9 milliards de personnes. Si l’agriculture est le premier consommateur, elle est aussi le premier pollueur. L’enjeu n’est donc pas seulement quantitatif !

L’énergie: Nous consommons de plus en plus d’eau pour produire de l’énergie. Or, elle est au coeur de toutes nos activités ! Dès lors, il faut remettre en question nos pratiques et notre mode de production d’énergie.

Les éco systèmes (16) : Les milieux de vie sont transformés par la redistribution dans le temps et l’espace de l’eau du fait de nos activités. Notre rapport à l’écosystème doit changer et évoluer en conséquence. Les questions de restauration et de protection de la nature deviennent des enjeux majeurs car les écosystèmes jouent un rôle important dans l’évolution du climat.

Nous avons là quatre domaines avec des défis majeurs pour la ressource en eau vis-à-vis du changement climatique. Les catastrophes naturelles liées à l’eau augmentent, ce qui nous conduit à repenser notre manière de vivre.

Tous ces impacts et enjeux risquent de conduire à des conflits d’usage liés à l’eau qui s’intensifieront si le climat n’est pas rééquilibré dans un futur proche. La gestion de l’eau par l’Homme est donc un facteur qui influe beaucoup le climat. On constate déjà cette influence dans des cas locaux comme au niveau des retenues de grands barrages qui sont capables de modifier le climat localement (ex. Barrage d’Assouan en Egypte). Pourtant, ce facteur n’a pour le moment jamais été pris en compte dans les accords internationaux.

Comme le souligne la Coalition Eau (17) « on ne peut pas véritablement parler aujourd’hui d’une place du secteur de l’eau dans les négociations climatiques. En effet, les négociateurs internationaux ne veulent pas s’engager sur des négociations sectorielles, au vu des difficultés qu’ils rencontrent déjà sur les deux enjeux majeurs identifiés des négociations, à savoir l’obtention d’un accord juridiquement contraignant sur la baisse des émissions de GES et la question des financements » (18) .

C’est pourquoi, il est nécessaire que la ressource en eau soit prise en compte dans les différents accords diplomatiques liés au climat tel que celui initié lors de la COP 21. Un accord sur la question de l’eau peut paraître quelque chose d’anecdotique et sectoriel alors qu’il s’agit en fait d’un accord pratique sur le cœur du processus !


Notes de bas de page:

1. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/climat__les_climats_du_monde/185927
2. http://www.les-crises.fr/climat-8-analyse-rechauffement/
3. http://www.les-crises.fr/climat-8-analyse-rechauffement/
4. Cf. le site du GIEC : https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
5. Nations Unis (1992), Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)
6. « Les Gaz à Effet de Serre (GES) sont des gaz qui absorbent une partie des rayons solaires en les redistribuant sous la forme de radiations au sein de l’atmosphère terrestre, phénomène appelé effet de serre. » : http://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/gaz_a_effet_de_serre_ges.php4
7. Banque Mondiale (2010), Rapport sur le développement mondial, cité par Global Development And Environment Institute (GDAE), TUFTS University (2014), L’économie du changement climatique
8. Le monde, Le Canada quitte le protocole de Kyoto, le 13/12/2011 : http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/13/le-canada-quitte-le-protocole-de-kyoto_1617695_3244.html
9. Banque Mondiale (2010), Rapport sur le développement mondial, cité par Global Development And Environment Institute (GDAE), TUFTS University (2014), L’économie du changement climatique
10. Cf. le site français de l’organisation : http://www.uicn.fr/La-Liste-Rouge-des-especes.html
11. Courrier International, La sixième extinction massive d’espèces est en marche, le 21/06/15 http://www.courrierinternational.com/article/science-la-sixieme-extinction-massive-despeces-est-en-marche
12. Cf. le site internet de l’organisation : https://www.endecocide.org/fr/
13. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2008), Le changement Climatique et l’Eau, Document technique VI du GIEC : https://www.ipcc.ch/pdf/technical-papers/ccw/climate-change-water-fr.pdf
14. Cf. L’Organisation Mondiale de la Santé : http://www.who.int/fr/
15. Cf Entretien l’eau et la sécurité alimentaire : http://www.fao.org/news/story/fr/item/87008/icode/
16. Cf Ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants (ou biocénose) et son environnement biologique, géologique, édaphique, hydrologique, climatique, etc. (le biotope).
17. Cf La Coalition Eau est un groupement de 30 ONG française engagé pour promouvoir un accès durable à l’eau potable et un assainissement pour tous, tout en préservant les ressources en eau.
18. Coalition Eau (2014), Eau et Changement climatique – note de recherche

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