Conclusion : comprendre les politiques de l’eau de l’échelle européenne à l’eau du robinet

les échelonsA travers ce cursus en ligne, nous avons pu voir que les politiques de l’eau répondent à une logique descendante qui partent de l’échelle européenne et se déclinent petit à petit dans les différentes institutions de l’État Français. Cette logique top-down a comme objectifs globaux la reconquête du bon état écologique des eaux en Europe.

Comme nous avons pu le voir lors de nos différentes audits, réalisées pendant nos écoles d’été, les problématiques locales de l’eau sont multiples et diffèrent selon les acteurs, les usagers et les territoires.  Certes, “le bon état des eaux” est un objectif cadrant les différentes politiques de l’eau mais cela ne représente pas le même effort pour chaque territoire qui doit concilier les  différents usages de l’eau (agricole, industrielle, domestique, énergétique), prévenir les différents dangers  (ex: inondation / sécheresse), produire et distribuer une eau de qualité pour tous, distribuer la ressource de manière conciliée et partagée, protéger et préserver l’eau et les milieux aquatiques…  Une petite rivière située dans un espace à dominante rurale ne possédera pas automatiquement les mêmes attributs et enjeux qu’une rivière de montagne ou qu’un fleuve traversant une grande ville par exemple. L’eau ne peut donc pas répondre à une politique descendante unique puisque chaque territoire possède ses propres problématiques liées à la ressource.

Ainsi, les différentes stratifications, les territoires de l’eau, et institutions de l’eau ont été mis en place pour adapter au mieux les politiques de l’eau afin de répondre directement aux enjeux locaux particuliers.  Le morcellement de la politique de l’eau française est positif dans ce sens car la décentralisation facilite l’implication de tous les échelons et acteurs, usagers de l’eau d’un territoire qui s’apparente ici à des bassins de vie ou à des petits bassins hydrologiques (ex: les SAGE / la commune, l’intercommunalité).

Pour autant le morcellement de la politique de l’eau en France n’aide pas les citoyens à comprendre et s’impliquer dedans d’autant plus qu’il s’agit souvent de questions très techniques. Le mille-feuille institutionnel est source de lourdeur et d’immobilisme. On l’a vu la représentation des usagers et la démocratie de l’eau et loin d’être une réalité. Les politiques de l’eau sont très influencée par les intérêts particuliers d’une France agricole et aussi par le modèle partenariat public / privé et donc la participation d’entreprises privées dans les services d’eau et d’assainissement. C’est donc une vision marchande et économique de l’eau qui est portée.

Les différents usages et enjeux de l’eau témoignent, pour nous, de l’importance de définir l’eau en tant que bien commun à préserver, concilier et protéger. Considéré l’eau comme un bien commun à travers le développement de nos politiques de l’eau revient donc à prendre en compte les différents paramètres vu ci dessus qui impliquent une gestion de l’eau publique dans lequel il nous semble primordial de donner sa place au citoyen. Nos différentes analyses et audits nous ont interrogé sur la place et le rôle du citoyen dans ces politiques. Qui est le citoyen? Comment peut-il s’impliquer?  A quelle échelle?  Quel est son savoir? Existe t-il un expert citoyen? A-t-il le temps pour s’impliquer dans les différents organes de concertations, décisions?

Toutes ces questions ont pu être abordées lors de nos audits et nous nous sommes rendus comptes que son implication dans les politiques de l’eau est loin d’être réelle et une évidence. La place qui lui ai donné dans les différentes institutions où sont appliquées les politiques de l’eau nous semble faible et insatisfaisante. Nous sommes persuadés que celui-ci doit être un acteur à part entière dans les politiques de l’eau. Il a un rôle à jouer et doit se rapprocher par différents biais de ces leviers vu dans les politiques de l’eau puisqu’il est question ici du domaine public qu’il soit économique, social, culturel ou même symbolique.

C’est lors de la conférence de Rio qu’est apparu le terme de participation du citoyen dans les décisions politiques notamment en matière d’environnement. Dans le principe 10 de la déclaration de Rio, la participation citoyenne est au cœur du processus de développement durable et repose sur : l’accès à l’information, la participation à la prise de décision, la capacité de contester ces décisions. La convention Arthus en 1998, ratifiée par la France en 2002, impose l’obligation d’information et la participation du citoyen pour tous projets qui a des impacts environnementaux. Il s’agit aussi bien de participation aux décisions et à la planification qu’à la mise en œuvre des décisions. Le citoyen doit pouvoir intervenir avant que des options définitives ne soient arrêtées. Pour autant, la mise en œuvre de ce droit a été transcrite que partiellement dans la DCE ou dans le droit français. Aujourd’hui le terme de « participation citoyenne » recouvre plusieurs réalités d’implication du citoyen dans le processus de décision et de mise en œuvre. Cela va de la simple information à la co-construction.

  • Information : consiste à donner des éléments claires, compréhensibles, authentiques à tous et gratuits sur les projets à venir ou en cours. Cela peut se faire via différents supports : site internet, brochure, magazine, newsletter, réunion publique.
  • Consultation : Les porteurs de projet demandent l’avis de la population pour connaître leurs opinions et attentes. Cela peut se faire via une enquête d’opinion publique, un sondage par courrier, internet ou par téléphone à n’importe quel stade du projet. Il n’y a pas de garantie que ses opinions soient prises en compte dans l’élaboration du projet.
  • Concertation : Il s’agit d’une forme de consultation plus large et parfois structurée par la loi qui pour certain projet rend la concertation obligatoire à différentes étapes du projet (ex. diagnostic, stratégie, évaluation). La population est associée plus en amont et moins d’une manière ponctuelle comme dans la consultation. Pour autant, le pouvoir décisionnel est toujours dans les mains de l’autorité publique.
  • Participation ou co-élaboration : c’est la forme la plus élevée de participation du citoyen. Les citoyens ont un réel pouvoir de décision. Cela peut prendre plusieurs formes comme le budget participatif, le référendum national, les conférences de citoyens, etc. En France, deux exemples de participation peuvent être cités : le budget participatif de Grigny (près de Lyon) depuis 2004 et le fonctionnement local du village de Saillans (Drôme). En 2014, c’est une liste collégial d’habitants avec un programme élaboré par des habitants volontaires. Depuis, grâce à des « Commissions participatives » et des « Groupes Action Projet », l’équipe municipale se limite volontairement, et autant que possible, à un simple rôle d’animateur et d’entrepreneur des décisions prises par la population du village.

Dans les différents territoires de l’eau, nous nous sommes rendu compte que nous attribuons une place aux élus locaux, aux représentants de l’État et aux usagers de l’eau (vu via des représentants d’associations, des représentants de corps de métier …).  Rarement dans ces politiques, le citoyen considéré comme tel, joue un rôle dans ces politiques. Ce dernier est toujours censé être représenté par un tiers qui agit ou prend des décisions pour ce dernier. A notre sens, le citoyen ici n’est aucunement responsabiliser puisqu’il ne peut quasiment pas jouer un rôle dans la mise en œuvre de ces politiques. Lors de nos audits, nous avons découvert que le citoyen est de temps en temps informé via certains outils et est parfois consulté via un questionnaire (ex: avec le SDAGE). Malgré cette faible consultation, les acteurs des politiques de l’eau que nous avons rencontré nous ont affirmé que rarement le citoyen ne cherchait à s’impliquer dans ces différents modes de participations. Bien au contraire, ce dernier, lors des réunions publiques est inexistant, il ne répond jamais aux différents questionnaires qui lui sont adressés. Dès lors, il y a un enjeu fort de sensibilisation et de pédagogie à réaliser pour que les citoyens puissent comprendre les tenants et aboutissants et s’engager dans le processus décisionnel. La faible participation actuelle aux mécanismes de concertation ne doit pas être vu comme un non intérêt pour la question de l’eau (au contraire on a vu qu’il y a un réel mouvement de remunicipalisation et de création de groupes locaux qui s’impliquent sur la question de l’eau) mais comme une volonté de participer à une autre échelle, moins institutionnelle et moins techniques.

A notre sens, les politiques de l’eau qui relèvent du domaine public doivent relever de l’affaire de tous car nous avons tous une approche différente, une histoire et culture de l’eau différente. L’approche eau bien commun implique nécessairement une implication forte du citoyen car nous sommes tous usagers de l’eau. Il nous semble donc primordial que chacun des citoyens soient formés aux différents enjeux et problématiques afin d’intégrer le plus grand nombre processus de concertation et d’implication.

Face aux différentes problématiques auxquelles sont confrontés chacune de nos institutions, il s’agit en plus de développer une approche transversale de l’eau pour que les politiques face preuve d’une cohérence entre elles. Comme nous avons pu le voir, l’eau présente des enjeux transversaux. Cette ressource implique aussi bien des enjeux liés à la santé, à l’environnement, à l’énergie, à la sécurité alimentaire… Dans notre analyse, nous avons, en séparant chacune des institutions, tenté de comprendre le rôle et les compétences de chacun des territoires de l’eau sans pouvoir automatiquement comprendre comment ces enjeux étaient articulés. Une analyse fine mériteraient d’être développée pour interpréter ces articulations.

Le schéma ci dessous vous offre également une vue d’ensemble de la mise en place concrète des politiques de l’eau:

conclusion

Pour télécharger le Power Point (en anglais) qui présente notre analyse sur les politiques de l’eau, cliquez >>>ICI

 


Notre résumé:

Nous avons mené des recherches sur les différents échelons territoriaux et institutions où sont préparées, rédigées, financées et mises en œuvre les politiques de l’eau, avec en filigrane le questionnement de la place du citoyen dans ces dernières. Notre idée est de partager le fruit de ces recherches avec l’ensemble des participants de notre projet en élargissant nos recherches à toutes les personnes souhaitant développer avec nous une base de connaissance commune.

L’échelle européenne

La principale réglementation est la Directive Cadre sur l’Eau plus connue sous l’appellation DCE. Mise en place en 2000, elle a pour objectif d’harmoniser une politique de l’eau commune à tous les pays européens et se fixe comme objectif l’atteinte du bon état des eaux (le bon état chimique et écologique) en imposant aux états des objectifs concrets via un mode d’emploi, un calendrier et des pénalités financières si les états n’atteignent pas les normes. La DCE impose aux états la gestion de l’eau par bassin versant, introduit des notions de participation du public et pose le principe issu du modèle français de ‘l’eau paye l’eau’ (= les dépenses liées à l’eau doivent être payées par les usagers et le budget de l’eau doit être équilibré)

L’État français

L’état a un rôle de stratège et de mise en œuvre. C’est l’état qui décline les décisions européennes au niveau du droit français et organise la politique de l’eau sur son territoire. Il fixe les orientations et accompagne les territoires en distribuant des moyens financiers via des services déconcentrés de l’État (ex: DREAL/ ONEMA / DDT …). Il surveille et sanctionne via la police de l’eau. Trois principes orientent ses politiques: «l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation» / «l’usage de l’eau appartient à tous» / «principe du pollueur – payeur».

L’Agence de l’Eau

La première loi sur l’eau de 1964 instaure un régime de gestion de l’eau par Bassin Versant. Aujourd’hui, en France métropolitaine, il existe 6 grands bassins versants. Les Agences de l’eau sont en charge de mettre la politique de l’eau décidée par le Comité de Bassin qui est l’organe décisionnel de cette institution. Cet organe se présente comme l’espace où la démocratie de l’eau s’exerce. Les Agences de l’eau luttent contre les pollutions, les pénuries d’eau localisées et soutiennent financièrement le développement des infrastructures de l’eau. Pour planifier et mettre en œuvre sa politique, les agences s’appuient sur le Schémas Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (ou SDAGE) et les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (ou SAGE) qui en sont des déclinaisons à l’échelle des sous-bassins.

Le SDAGE

Élaboré par le comité de bassin, au niveau des grands bassins hydrographiques, le SDAGE définit les grandes orientations et objectifs de la gestion de l’eau. Institué par la loi de 1992, ce document de planification a évolué suite à la DCE. Il fixe aujourd’hui les orientations qui permettent d’atteindre les objectifs attendus en matière de «bon état» des eaux. Le Comité de Bassin, qui débat et définit les grands axes du SDAGE se compose de trois collèges (des collectivités territoriales, des usagers et de l’État).

Le SAGE

Il est la déclinaison locale et opérationnelle du SDAGE sur un bassin versant plus restreint. Il fixe les objectifs généraux d’usage, de mise en valeur et de protection des ressources. Il se fonde sur les principes d’une gestion équilibrée entre la préservation de la ressource en eau et des milieux aquatiques et la satisfaction des usages. Approuvés par arrêté préfectoral, les documents du SAGE s’inscrivent dans la hiérarchie des normes comme tout document à caractère réglementaire. L’élaboration, la révision et le suivi du SAGE sont assurés de manière collective par les acteurs de l’eau du territoire, regroupés au sein d’une assemblée délibérante, la Commission Locale de l’Eau (CLE). Celle-ci est également composée de trois collèges : collectivités territoriales, usagers et représentants de l’État.

Régions et Départements

Ces deux institutions n’ont pas de pouvoir direct dans l’application des politiques de l’eau. Cependant, celles-ci peuvent appuyer et faire le lien entre les politiques d’aménagement des territoires et les politiques de l’eau par le biais de financements et peuvent apporter un appui technique et financier pour aider les communes par exemple. Ces échelons apportent des liens entre les différentes institutions notamment via des outils de planification dans le domaine environnemental tel que la trame verte et bleue (outil d’aménagement durable du territoire) pilotés au niveau régional.

Les Communes et Intercommunalités

La commune est le plus petit échelon administratif en France. Au vue de leur grand nombre, elles se regroupent parfois en syndicats ou communautés de communes pour mutualiser et gérer des compétences dont elles ont la responsabilité en réseau (tels que la distribution et l’assainissement de l’eau!). L’échelon communal, le syndicat de communes ou la communauté de communes (cela dépend des cas de figure) peuvent être responsables de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement. Ils peuvent être également compétents dans d’autres domaines telle que la protection des captages et posséderont bientôt la compétence obligatoire de la gestion des eaux de pluviales. Certains regroupements de communes ont mis en place la Commission Consultative des Services Publics (CCSP) qui est un organe consultatif associé à la gestion des communes. Ces échelons territoriaux peuvent également décider de confier la gestion d’un service à un tiers via une convention de délégation de service public.

 En réalité la mise en place des politiques publique de l’eau est beaucoup plus complexe que cela au vue de la multiplicités des acteurs et des territoires de l’eau. Afin de rendre un peu plus visible cette complexité, nous vous proposons les deux schémas ci dessous qui ont servi de base à notre analyse. .

 Schéma

Schéma 2

Pour aller plus loin

Pour compléter cette conclusion vous retrouverez de nombreuses informations en cliquant >>>ICI

Nous vous conseillons également de consulter le RAPPORT D´INFORMATION FAIT au nom de la délégation sénatoriale à la prospective  « Eau : urgence déclarée », Par MM. Henri TANDONNET et Jean-Jacques LOZACH. Pour cela, cliquez >>>ICI

Vous pouvez retrouver une animation créée par l’ONEMA revenant sur 7 thématiques pour découvrir la gestion de l’eau dans un bassin versant. Pour ce fait, cliquez >>>ICI

Réalisé par l’ONEMA, vous pouvez également retrouver deux documents ressources pour compléter votre formation :

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